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Chaufferies automatiques au bois et particules fines, par Thomas Nussbaumer

Article du Prof. Dr. Thomas Nussbaumer de l’Université de sciences appliquées de Lucerne en Suisse paru dans le Bioénergie International n°28 de décembre 2013. Thomas Nussbaumer est un spécialiste mondialement reconnu sur les questions de combustion du bois. Il est l’un des artisans majeurs de la connaissance et de la mise en oeuvre industrielle des principes de maîtrise et de régulation de cette combustion depuis les années 1990.

Chaufferie centrale à bois dans le Jura Suisse, photo Thermobois

Chaudière à vis de poussée ou à « foyer volcan »

Pour réduire les effets des énergies fossiles sur le climat, l’une des tâches les plus importantes pour les décennies à venir est de réduire la consommation de l’énergie et de remplacer les énergies fossiles par les énergies renouvelables. Parmi celles-ci, l’énergie du bois est disponible directement sous une forme stockable et donc particulièrement appropriée pour compléter les énergies solaire et éolienne. La substitution peut se faire dans le secteur de l’électricité comme dans celui de la chaleur. En plus des applications domestiques, des chaufferies automatiques au bois permettent la production de chaleur à distance dans des régions densément peuplées. Le bois étant une énergie locale qui évite les transports de longue distance et qui crée des emplois non délocalisables.

Par contre, la combustion du bois est source de différentes émissions dans l’atmosphère, ce qui peut dans certains cas désavantager cette énergie. Parmi ces polluants, les particules fines (moins de 10 micromètres, PM10) et les composés organiques sont identifiés comme les plus problématiques du fait de leurs effets néfastes sur la santé. Parmi les applications du bois-énergie, les installations automatiques sont de plus en plus utilisées dans une très large gamme de puissances. Cet article traite en particulier des chaufferies automatiques au bois de tailles moyennes et des mesures primaires (l’optimisation de la combustion) et secondaires (l’épuration des fumées) pour minimiser leurs émissions polluantes.

Feu de bois établi sur une grille mobile, photo Frédéric Douard

Fig 7 – Chaudière bois à grille mobile

Pour les chaudières à granulés de bois, la gamme de puissance va typiquement de 10 kW à plus de 500 kW. Pour les chaudières à bois déchiqueté, les puissances utilisées vont de 30 kW à plusieurs dizaines, voire centaines de MW. Par ailleurs, les installations de production combinée de chaleur et d’électricité ne sont intéressantes que dans le cas de puissances importantes et de besoins en chaleur constants (plus de 5000 heures par an) car le rendement électrique augmente et les coûts déclinent avec la puissance.

Les technologies les plus connues sont les chaudières à vis de poussée inférieure dénommées souvent en France « chaudières à foyer volcan » (typiquement de 30 kW à 5 MW) et les chaudières à grille mobile (typiquement de 200 kW à 100 MW). Les technologies à grilles mobiles sont plus coûteuses mais permettent l’utilisation de combustibles à haute teneur en cendres et, le cas échéant, humides. Pour les puissances supérieures à 20 MW, et jusque plus de 500 MW, la technologie de lit fluidisé est aussi utilisée. Dans les installations typiquement supérieures à 5 MW, la production combinée de chaleur et d’électricité peut être appliquée via la production de vapeur.

Gaz combustibles dans un foyer mobile à bois, photo Frédéric Douard

Fig 3 – Combustion en 1 étape

L’un des avantages des chaudières automatiques est le confort accru pour les utilisateurs. En plus, elles sont capables de réaliser une combustion de haute qualité avec un rendement important. Pour réaliser une combustion presque complète, la combustion est réalisée en deux étapes dans plusieurs zones de la chaudière. Dans une première zone, le bois est gazéifié avec de l’air primaire permettant d’ajuster la puissance. Le gaz combustible provenant du bois est ensuite mélangé avec l’air secondaire pour oxydation dans une chambre de combustion séparée et à haute température.

Grâce à une combustion presque complète, les émissions de polluants de combustion incomplète sont faibles. Comme polluants volatils, nous pouvons citer le monoxyde de carbone (CO), les composés organiques volatils (COV) et comme autres polluants : la suie et les goudrons (des substances organiques nocives sous forme liquide). Comme le bois contient des substances minérales (Azote (N) dans les protéines et Potassium (K), Chlore (Cl), Calcium (Ca) et autres éléments dans les cendres), sa combustion produit également des polluants inorganiques. Comme polluants volatils, des oxydes d’azotes (NOX) et comme particules, des sels tels KCl, K2SO4, CaCO3 et CaO sont formés.

Fig 5 – Combustion en deux étapes

En principe, ces particules sont moins toxiques que la matière organique présente dans les goudrons, mais les sels sont néanmoins nocifs s’ils sont véhiculés dans les fumées. Ainsi, pour réduire les particules fines des chaudières automatiques à bois, des systèmes de séparation sont nécessaires, c’est à dire des filtres à manches ou des séparateurs électrostatiques, aussi connus sous le vocable d’«électrofiltres», bien que le principe de séparation ne soit pas une filtration. Les séparateurs électrostatiques sont plus chers à l’achat mais moins coûteux à l’usage. Les filtres à manches sont quant à eux moins chers à l’achat, plus efficaces, mais plus sensibles et inappropriés pour des combustibles humides.

Fig 10 – Les séparateurs de particules

Enseignements

1. Le bois contribue fortement à la production d’énergie et sa contribution peut encore être augmentée pour substituer les énergies fossiles.

Fig 1 – Cycle du charbon et formation des polluants dans la combustion du bois

2. La combustion du bois contribue à la pollution en particules primaires sous trois formes : sels, suies et aérosols organiques primaires (AOP). En plus, des aérosols organiques secondaires (AOS) apparaissent en dehors de la chaudière à partir des COV émis (Figure 1).

3. Le degré de nuisance pour la santé suis cet ordre : sels < suie < aérosols organiques (AOP et AOS)

Fig 2 – Emissions de CO et températures en fonction de l’excès d’air

4. Les chaudières automatiques au bois sont efficaces pour éviter les polluants nocifs (suie et substances organiques) grâce à une haute température et à une bonne qualité de combustion. Pour cela, on pratique la combustion en deux étapes qui permet un excès d’air optimal (Figure 2). Le principe de la combustion dans un système de combustion en une seule étape est illustré en Figure 3. La première amélioration apportée par les deux étapes est obtenue en évitant le refroidissement de la flamme, en améliorant le mélange entre l’air comburant et le gaz combustible, et ensuite en ajoutant une chambre de combustion à haute température (Figure 4). Par la combustion en deux étapes, les conditions pour atteindre une haute qualité de combustion sont ainsi grandement facilitées. Le principe d’une bonne combustion en chaudière manuelle avec injection de l’air forcée par des ventilateurs est présenté en figure 5. Les principes pour les chaudières automatiques sont décrits sur les figures 6 et 7. Selon le type de grille, fixe ou mobile, il est possible ou non d’utiliser du bois à teneur en l’eau élevée. Si la puissance ou l’espace pour le stockage du combustible est limité, les granulés du bois sont plus appropriés grâce à leur densité d’énergie plus importante (Figure 8). Pour les puissances plus grandes, les foyers a lit fluidisé s’imposent. La production de vapeur permet le couplage d’électricité et chaleur, mais il faut constater que les rendements électriques sont limités et augmentent avec la puissance. La gazéification est une voie qui peut permettre des rendements électriques plus élevés par l’utilisation de moteurs ou turbine à gaz (Figure 9).

5. Comme avantage supplémentaire, des systèmes électroniques de réglage sont applicables pour les chaudières à combustion en deux étapes. Le but est de maintenir la combustion en fonctionnement optimal comme indiqué en point B sur la Figure 2.

Fig 11 – Coût d’investissements spécifiques des chaudières automatiques au bois

6. Néanmoins, des séparateurs de poussières fines sont nécessaires pour réduire les émissions des sels qui – provenant de la combustion – sont quand-même nocifs. Pour cela, les séparateurs électrostatiques sont disponibles, et en cas de bois sec, aussi les filtres à manches. Les principes de séparation sont illustrés en Figure 10. Comme indiqué en Figure 11, les coûts spécifiques des chaufferies automatiques au bois et les coûts additionnels pour les séparateurs déclinent avec la puissance. La figure 12 montre la montée des coûts de production de chaleur en centimes par kWh valable en 2007. Les coûts pour la séparation des particules fines est raisonnable pour des systèmes de plus que 0,5 MW. Dans les dernières années, des séparateurs de moins de 0,5 MW ont été développés et leur coût a été réduit, permettant l’utilisation des séparateurs pour toute la gamme de chaufferies automatique.

Fig 12 – Coût de production de la chaleur bois

7. Des contaminants causent des émissions et des cendres à haute toxicité : ce sont principalement les métaux lourds (Pb, Zn, Cd, Cu…) et le chlore (qui génère des dioxines et furanes). Pour cette raison cela, les bois contaminés (bois de récupération) ne doit être utilisés que dans des chaudières de grande puissance équipées des meilleurs systèmes de séparation de particules. Les cendres de ces bois, et surtout les poussières des filtres, doivent de plus être enfouies dans des centres pour déchets toxiques.

8. Les installations de grande puissance permettent la cogénération et dans ce cas la production d‘électricité est indépendante de la disponibilité en soleil ou en vent. Ceci augmente la valeur du bois.

9. Remplacer des systèmes très polluants, comme les chaudières manuelles mal conduites, est une mesure efficace pour améliorer la qualité de l‘air et en même temps augmenter l’efficacité de l‘énergie du bois.

10. Pour garantir une bonne conduite des chaudières automatiques, une grande qualité de conception des installations est indispensable, de la part du constructeur comme du bureau d’études. Pour cela, en Suisse, en Allemagne et en Autriche, il est recommandé de mettre en oeuvre une assurance qualité : « QM Chauffages au bois“ (www.qmholzheizwerke.ch).

Contact : Prof. Dr. Thomas Nussbaumer

Thomas Nussbaumer

  • Université de sciences appliquées de Lucerne, CH – 6048 Horw (Suisse) – www.hslu.ch
  • Verenum, Langmauerstrasse 109, CH – 8006 Zurich (Suisse) – www.verenum.ch

Remerciements

Bibliographie

  • Good, J. et al. : Manuel de Planification, QM Quality Management Chauffages au bois, Tome 4, Holzenergie Schweiz, C.A.R.M.E.N. e.V. Straubing 2008, Traduction 2010,
  • Nussbaumer T. : Combustion and Co-combustion of Biomass. Energy & Fuels, 2003, 17(6), 1510–1521
  • Nussbaumer, T. : Régulation des chaudières automatiques, Bois-énergie 3 1999, 44 – 51
  • Nussbaumer, T. : Techno-economic assessment of particle removal in automatic wood combustion plants, 15th European Biomass Conference, 2007, Berlin 7–11May 2007, OE2.5, 2362–2365
  • Nussbaumer, T. : Energie-bois – Partie 1 : Introduction et notions fondamentals, Schweizer Baudokumentation, Artikel 00500, Blauen, Oktober 2007, 12 p.
  • Nussbaumer, T. : Energie-bois – Partie 2 : Installations de chauffage au bois à alimentation manuelle, Schweizer Baudokumentation, Artikel 00510, Blauen, Februar 2008, 16 p.
  • Nussbaumer, T. : Energie-bois – Partie 3 : Installations de chauffage à granulés/pellets de bois, Schweizer Baudokumentation, Artikel 00520, Blauen, Mai 2008, 16 p.
  • Nussbaumer, T. : Energie-bois – Partie 4 : Installations automatiques de chauffage au bois, Schweizer Baudokumentation, Artikel 00530, Blauen,Mai 2008, 16 p.
  • Nussbaumer, T. : Emissions particulaires lors de la combustion du bois: Influence du type de combustion sur les particules et leur toxicité, Bioénergie International 20 – 2012, 8–13
  • Nussbaumer, T. : Technologies des chaufferies automatiques au bois et aspects environnementaux dans la recherche pour réduire des polluants et précipiter des poussières fines, colloque bois-énergie collectif et industriel, Comité Interprofessionnel du Bois-Energie (CIBE), 10.10.2013, Dijon (F).


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