Lien de bannissement

Le biométhane 2G, une alternative au gaz naturel en Europe ?

Unité pilote de méthanation à Güssing, photo Jeremy Hugues

Unité pilote de méthanation à Güssing, photo Jeremy Hugues

Le biométhane 2G [Seconde génération voir note 1] est un gaz de composition identique à celle du gaz naturel fossile, mais issu de la gazéification de la biomasse et donc renouvelable. Sa production industrielle n’est pas encore développée mais de plus en plus d’acteurs académiques et industriels semblent s’y intéresser. ALCIMED, société de conseil en innovation et en développement de nouveaux marchés, revient sur ce gaz vert qui pourrait à l’avenir se substituer partiellement au gaz naturel.

Le biométhane 2G possède de nombreux avantages, dont le principal est son origine « bio » contrairement au gaz naturel fossile. Lors de son utilisation, les émissions de gaz à effets de serre (GES) sont donc considérées comme neutres dans l’Union Européenne. Contrairement aux biocarburants de première génération, la biomasse lignocellulosique n’entre pas en concurrence avec les filières alimentaires, et n’induit pas de compétition pour les terres arables notamment en Europe où la surface forestière est importante.  Cette différence majeure avec les produits de première génération peut en faire un biocarburant soutenable à long terme. De plus, la production de biométhane 2G est stockable et transportable en grandes quantités grâce au réseau de gaz naturel existant ce qui est moins le cas pour l’électricité et la chaleur produites par cogénération de la biomasse. Les avantages cités précédemment rendent donc le bioSNG particulièrement intéressant.

Cependant, aujourd’hui, les technologies de production de BioSNG ne permettent pas d’établir un coût de production fiable pour ce produit. Mais les principaux experts du secteur s’accordent à dire que, même à terme, dans une phase de commercialisation importante, le prix du bioSNG sera très vraisemblablement sensiblement supérieur à celui du gaz naturel. Cela s’explique notamment par la multiplicité des étapes de production du BioSNG.

En l’absence de réglementation imposant l’utilisation d’un produit d’origine soutenable bio, ce dernier se retrouve en concurrence directe avec le gaz naturel et son avenir semble compromis si l’aspect économique est uniquement pris en compte.

L’Union Européenne ou les Etats membres pourraient alors favoriser l’apparition du bioSNG en favorisant l’offre et la demande : l’offre via des aides à l’investissement pour promouvoir la recherche sur le sujet et l’implantation de sites pilotes. Quant à elle, la demande répondrait à deux critères :

  • Imposer une part de gaz vert dans la consommation. Cette démarche déjà utilisée pour l’électricité verte impose aux fournisseurs d’inclure un certain pourcentage de gaz vert dans leur production ou dans leur mix, et aux utilisateurs un tarif d’achat plus important.
  • Cibler un secteur en lui imposant d’utiliser une énergie 100% renouvelable. C’est, par exemple, le cas de la Suède et du Danemark qui se sont engagés dans le secteur des transports avec un objectif 100% renouvelable d’ici 2030. Seuls des carburants bio, seraient utilisés et le bioSNG pourrait alors être pertinent, compte tenu des rendements de conversion élevés de la filière (>60%) et de son bilan environnemental très favorable.

 « A l’heure actuelle il n’y a pas d’engagement réglementaire fort et stable à long terme. Les industriels et les fournisseurs de technologies sont encore dans l’attente et n’investissent pas massivement dans le secteur. Le risque est encore trop important pour eux » constate Antoine Bordet consultant chez ALCIMED.

Quelles sont les perspectives pour ce gaz bio ?

Les projets actuels de production de bioSNG sont peu nombreux en Europe. Aucune installation n’est en fonctionnement, seuls, des pilotes de démonstration tels que GAYA en France ou GoBiGas en Suède sont en cours de développement. Deux autres projets sont en cours de discussion : Il s’agit de Bio2G d’E.ON et du projet d’ECN en partenariat avec la société HVC [2]. Par ailleurs, le premier pilote de biométhane 2G européen a eu lieu à Güssing en Autriche en 2008. Ce projet de R&D, arrêté après sa campagne d’essai, a permis de démontrer la faisabilité du concept technique.

Enfin, l’existence de deux modèles économiques semble se confirmer pour cette future filière. Une production massive et centralisée de bioSNG, à partir d’unités très importantes. Elles nécessitent d’importer de la biomasse en grande quantité et permettrait d’atteindre plus facilement une rentabilité économique. La question de l’impact environnemental de ses approvisionnements reste essentielle.

« Une solution décentralisée, faisant appel à un approvisionnement local dans une optique de développement territorial paraîtrait alors plus séduisante d’un point de vue environnemental mais également pour valoriser au mieux la chaleur produite. Elle rendrait certainement l’équation économique plus complexe à résoudre, faute d’effet d’échelle» conclut Jean-Philippe Tridant Bel, Directeur de l’activité Energie et Environnement d’ALCIMED.

Notes

  1. Le biométhane dit de deuxième génération est produit à partir de biomasse ligno-cellulosique (du bois et de la paille principalement) et se fait en deux étapes : gazéification et méthanation. La gazéification est un processus thermochimique qui permet de convertir la matière organique en un gaz de synthèse appelé syngaz constitué essentiellement d’hydrogène (H2) et de monoxyde de carbone (CO). Ce syngaz est ensuite traité et purifié pour subir une méthanation par voie catalytique et obtenir un gaz appelé du gaz naturel synthétique dit « BioSNG » possédant les mêmes propriétés que le gaz naturel. Ce gaz est utilisé pour la production de chaleur et/ou d’électricité et l’usage en tant que biométhane carburant. Il pourrait aussi être à terme envoyé dans le réseau de gaz naturel. Ce processus est à distinguer de la méthanisation, qui produit également un gaz vert, du biogaz, composé majoritairement de méthane. En effet, la voie thermochimique peut transformer de la biomasse ligno-cellulosique, contrairement à la méthanisation qui nécessite des substrats humides pour l’étape de fermentation.
  2. Entreprise publique de gestion des déchets (située à Alkmaar, dans le nord de la Hollande), productrice d’électricité et de chaleur.