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Produire de l’électricité à partir de déchets organiques par des biobatteries

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L’équipe du département de glycobiotechnologie de l’Institut de Chimie de l’Académie des sciences slovaque, sous la direction de M. Gemeiner, réalise de nombreux travaux dans le domaine des cellules et des enzymes immobilisés et avait notamment reçu le prix 2011 de l’Académie des sciences pour ses activités. L’immobilisation d’un enzyme ou d’une cellule entière signifie son attachement à un substrat ou son confinement à l’intérieur d’une capsule et permet d’obtenir des produits nouveaux et utiles.

M. Gemeiner a accepté de répondre à nos questions ainsi qu’à celles du magazine slovaque Quark dans une interview dont voici quelques extraits :

Dans quels domaines de recherche utilisez-vous les cellules et les enzymes immobilisés?

Nous développons actuellement trois axes de recherche :

  • Tout d’abord, nous étudions les bactéries immobilisées. Nous les enfermons dans des capsules spéciales et les utilisons pour produire plus efficacement certaines matières premières pour différents médicaments et arômes naturels.
  • Nous nous intéressons également au développement de biobatteries capables de produire de l’électricité à partir de déchets organiques, ainsi qu’au développement de nouveaux biocapteurs de surveillance pour les procédés biotechnologiques.
  • Enfin, nous travaillons au développement de biopuces capables de diagnostiquer précisément de nombreuses maladies.

Pourquoi étudiez-vous les bactéries génétiquement modifiées?

Un micro-organisme peut être considéré comme une usine dans laquelle des milliers de réactions chimiques ont lieu : les enzymes fabriqués par ces micro-organismes jouent le rôle de catalyseurs biologiques et permettent une transformation efficace de certaines substances en bioproduits, mais seulement en très faible quantité. C’est pourquoi les techniques d’ingénierie génétique améliorent considérablement la capacité des cellules à produire des enzymes et il est aujourd’hui possible de produire des médicaments essentiels tels que l’insuline ou des antibiotiques simplement en utilisant des bactéries génétiquement modifiées. En coopération avec l’université technique de Vienne, nous nous intéressons également à la recherche et au développement de nouveaux substrats pour les médicaments antiviraux.

Quelle est la contribution de votre équipe au développement et à l’utilisation des bactéries génétiquement modifiées ?

Les bactéries génétiquement modifiées Escherichia coli produisent un certain type d’enzyme grâce auquel il est possible de transformer un grand nombre de substrats en produits de composition chimique très pure nécessaires au développement de médicaments. Nous nous attachons au développement des techniques d’immobilisation de ces cellules et plus particulièrement aux techniques d’encapsulation, point sur lequel sont spécialisés Marek Bucko et ses collègues, car une fois immobilisées, elles ont l’avantage d’avoir une longue durée de vie et d’être réutilisables.

Pourriez-vous expliquer le principe de fonctionnement des biobatteries ?

C’est mon collègue Jan Tkac et ses collaborateurs qui s’intéressent à la fabrication et l’utilisation des biobatteries dans notre département. La biobatterie, que nous appelons techniquement pile à biocombustible, ressemble à une batterie classique qui possède deux extrémités de charges opposées mais elle est composée de bioéléments, enzymes ou micro-organismes.

Principe de fonctionnement d'une pile à biocombustible, Département de glycobiotechnologie, Institut de Chimie, Académie des sciences slovaque

Fig 1 : Principe de fonctionnement d’une pile à biocombustible
Crédits : Département de glycobiotechnologie, Institut de Chimie, Académie des sciences slovaque

Les composés organiques, les sucres par exemple, s’oxydent à la bioanode en fournissant des ions et l’oxygène se réduit en eau à la biocathode en consommant des ions. Si on relie la bioanode à la biocathode, il y a apparition d’un flux d’électron c’est-à-dire production d’électricité. Les biobatteries sont capables de convertir l’énergie de la matière organique en électricité directement, sans aucun intermédiaire.

Quelles sont les applications pratiques des biobatteries ?

L’avenir des biobatteries réside principalement dans la réutilisation des déchets organiques. A l’aide des biobatteries, il sera par exemple possible d’alimenter des petits appareils électroniques portatifs mais également de produire de l’électricité directement à partir des stations d’épuration. Actuellement, elles sont utilisées sous forme de bouées comme capteurs de surveillance de l’écoulement et de la température de l’eau en haute mer avec envoi automatique des données de mesure.

Comment les biotechnologies immobilisées peuvent-elles aider au diagnostic et au traitement des maladies ?

Si un docteur soupçonne un cancer des ganglions lymphatiques par exemple, il va chercher des indices dans le sang du patient, des marqueurs qu’un organisme sain n’aurait pas. C’est pourquoi nous nous intéressons à un groupe spécifique de protéines, les lectines, qui ont une affinité particulière pour certains glucides présents sur la membrane cellulaire, avec lesquels elles se lient et peuvent ainsi servir à leur bioreconnaissance. En effet, dans les cellules tuméreuses, la glycosylation des protéines membranaires, c’est-à-dire la réaction de liaison d’un glucide à cette protéine, varie lors du développement de presque tous les types de cancers. Ainsi, les biopuces et biocapteurs à base de lectine offrent une possibilité de détection des changements de glycosylation relativement simple, sensible, rapide, complexe et économique. Dans notre laboratoire, nous fixons sur les biopuces différentes lectines réagissant avec des glucides spécifiques. L’échantillon test réagit avec la puce à lectine et s’il contient certains glucides caractéristiques d’une maladie particulière, ceux-ci vont se lier avec les lectines appropriées. Ces liaisons sont ensuite enregistrées par le système de détection et comparées avec les modèles de liaison de référence, permettant de déterminer si l’échantillon provient d’un patient en bonne santé ou malade.

Ainsi, les biopuces à lectine permettent de diagnostiquer de nombreuses maladies telles que les cancers, l’arthrite rhumatoïde et la maladie d’Alzheimer, mais également de ne cibler que les cellules malades pour finalement servir de support au médicament.

Les nanotechnologies et la cellule, l’ingénierie des protéines… Quels résultats pratiques la combinaison de ces champs de recherche multidisciplinaires peut-elle apporter ?

La tendance est à la miniaturisation dans tous les domaines, la nanotechnologie est déjà utilisée de nos jours et la recherche continue maintenant vers des dimensions de l’ordre du picomètre. En effet, les petites proportions et les petits volumes augmentent les possibilités d’action en permettant, par exemple, une meilleure résolution, plus de précision pour atteindre l’endroit exact de la surface de la cellule visé ainsi qu’une moindre utilisation des réactifs coûteux pour le diagnostic. Si l’on parvient à réduire ce coût, il sera possible de rechercher les marqueurs de nombreuses maladies, bien plus que ce dont nous sommes capables actuellement, ainsi que d’augmenter la sensibilité, la rapidité et la fiabilité des diagnostics. La recherche, le développement et l’application de ces techniques utilisant les biopuces à lectine et les biocapteurs sont menés par Jaroslav Katrlik et ses collègues en collaboration avec d’autres institutions nationales et internationales.

Contact :  Peter Gemeiner, Directeur du département de glycobiotechnologie de l’Institut de Chimie de l’Académie slovaque des sciences – chempege@savba.sk

Origine : BE Slovaquie numéro 24 (20/04/2012) – Ambassade de France en Slovaquie / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/69824.htm