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Les prodigieux efforts des américains pour produire plus de biocarburants

http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/68934.htm

Production de maïs au Colorado, photo Scott Bauer, USDA ARS

Depuis près de cinq ans, les avancées concernant les nouvelles sources d’énergies renouvelables représentent la priorité la priorité de recherche pour les chercheurs et les industriels américains. Les biocarburants sont mis au premier plan avec la diversité des matières premières permettant leur production, ainsi que leur caractère « durable ». Les États-Unis représentent la deuxième production mondiale de biocarburants après le Brésil. Tous deux sont les principaux producteurs mondiaux d’éthanol, avec près de 50 milliards de litres produits en 2010 par les Etats-Unis.

Le programme Renewable Fuel Standard (RFS)

L’agence de protection de l’environnement américaine (EPA) a lancé en 2007 le programme nommé Renewable Fuel Standard (RSF1), établissant les règles et les chiffres clés concernant la production de biocarburants. Ce programme a été établi dans le cadre de la loi Energie de 2005 (Energy Policy Act of 2005). L’objectif d’utilisation d’un volume minimum de biocarburant dans les transports avait été fixé à 33 milliards de litres en 2012.

Depuis mai 2009, l’EPA a revu son programme près de trois fois pour éditer le RFS2. Ce nouveau programme a pour objectif de développer le secteur des biocarburants en vue de diminuer les importations et d’assurer la sécurité énergétique du pays. Il a été établi en cohérence avec les objectifs fixés dans la loi de sécurité et de l’énergie de 2007 (Energy Independence and Security Act of 2007) qui sont d’intégrer du biocarburant dans le diesel, d’atteindre les 158 milliards de litres de biocarburants en 2022, de définir des catégories selon le type de matière première utilisée et de prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre. D’autres actions, énoncées dans ce programme, permettront de lister tous les producteurs de biocarburants et de gérer plus efficacement les RIN (Renewable Identification Number) ou les D-code qui définissent les types de biocarburants.

Les biocarburants sont classés en 4 catégories, dont chacune est affectée d’un objectif en termes de volumes à produire :

Plante à croissance rapide, nommée kénaf et qui pourrait alimenter les procédés cellulosiques, photo Scott Bauer, USDA ARS

  • le biocarburant cellulosique (cellulosic biofuel) produit à partir de bois, d’herbes, ou de parties non comestibles des plantes (cellulose, hemicellulose, lignine)
  • le diesel produit à partir de biomasse (biomass based diesel) qui est un substitut du diesel produit à partir de déchets d’origine animale (graisses de volaille, déchets de volailles et autres) ou à partir de déchets solides municipaux, des boues et des huiles dérivées du traitement des eaux usées;
  • les biocarburants dits « avancés » (advanced biofuel) issus de tout type de biomasse (déchets agricoles ou forestiers ou d’autres sources de biomasse durable, y compris les algues) à l’exception de maïs . Cette catégorie inclut le biocarburant cellulosique et le diesel produit à partir de biomasse;
  • les biocarburants (renewable fuel) – toutes catégories confondues – qui représentent la quantité totale de biocarburant utilisable dans les transports venant de sources dites « renouvelables » incluant l’éthanol de maïs.

L’évolution de la production de biocarburant entre 2011 et 2012 est présentée dans le tableau ci-dessous :

Les prévisions de production de biocarburants sont en hausse pour 2012. L’objectif est que 9% du carburant utilisé dans les transports soient issus de sources renouvelables en 2012. Cependant cela ne devrait pas suffire à servir le marché national, puisque selon les prévisions de l’institut Pike Research, il apparaitra un décalage entre la production et la demande de biocarburants aux Etats-Unis dès 2012. Voir diagramme ci-dessous :

Afin d’atteindre les objectifs de production du RFS2, des investissements conséquents sont nécessaires. L’USDA prévoit la nécessité de construire 527 raffineries supplémentaires qui permettraient de produire 151 millions de litres de biocarburants par an, pour un coût total de construction d’environ 168 milliards de dollars.

Concernant les objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le RFS2 prévoit une diminution globale de 20% des émissions pour les biocarburants totaux, avec une diminution de 50% pour le diesel produit à partir de biomasse et pour les biocarburants dits « avancés », et de 60% pour le biocarburant cellulosique. Selon les sources spécifiques de biocarburant, la diminution d’émission de gaz à effet de serre est prévue à 20% pour l’éthanol produit à partir de maïs, 40% pour le biocarburant produit à partir de soja et de colza, et 60% pour l’éthanol produit à partir de canne à sucre.

Les investissements dans les projets de recherche

La communauté scientifique est notamment mobilisée sur le thème des biocarburants, en particulier de seconde et troisième générations. Comme nous l’évoquions dans de précédents articles, le département de l’agriculture américain (USDA) va prochainement débloquer 44,6 millions de dollars supplémentaires pour subventionner de nouveaux projets relatifs au développement de biocarburants.

Recherche sur les variétés de maïs, photo Bruce Fritz, USDA ARS

Dans le MidWest, les équipes de recherche sont mobilisées, sous forme de consortia, avec l’appui de subventions importantes provenant notamment de l’USDA ou du département de l’énergie américain (DOE). Ces équipes, telles que le centre de recherches en bioénergie Great Lake qui regroupe plusieurs états du MidWest, travaillent en collaboration avec les laboratoires du DOE ou le laboratoire national de Berkeley en Californie. Les travaux concernent les procédés de transformation mais également la diversification des sources de matières premières. Des études ont ainsi été réalisées pour optimiser la production de biocarburants à partir de cameline et de switchgrass avec la bactérie E. Coli par exemple. La production de biocarburant à base d’algues semble également offrir des opportunités pour les années à venir.

Les actions, études et investissements récents

Les principales avancées à ce jour concernent les secteurs aéronautique et naval.

La Navy (marine nationale américaine) a effectué plusieurs essais prometteurs avec des carburants contenant un mélange d’essence et de biocarburant. Le dernier essai date de décembre dernier avec une péniche de débarquement sur coussin d’air (landing craft air cushion) utilisant un mélange à 50% de biocarburant produit à partir d’algues. Les essais réalisés avec les avions de la Navy se sont également avérés concluants. La Navy a signé, en janvier 2010, un accord de partenariat avec l’USDA pour développer la production et l’utilisation des biocarburants et de toutes sources d’énergies renouvelables. Les prochains essais ne sont pas encore programmés, mais la Navy prévoit déjà l’achat d’un volume de près de 2 millions de litres de biocarburants en 2012.

Avion de chasse de l'U.S. Navy ayant volé avec de l'huile de caméline, photo Kelly Schindler

L’administration Obama va débloquer 510 millions de dollars supplémentaires dans les trois années à venir pour soutenir les projets de recherche et de développement de biocarburants pour l’aviation et la flotte navale. Par ailleurs, l’USDA, dans le cadre de son programme pour l’énergie rurale américaine (Rural Energy for America Program), a subventionné à hauteur de 4,2 millions de dollars, l’installation de 266 pompes à essence mélangeant éthanol et essence dans 30 états différents.

Selon une étude menée par la société Cardno-Entrix en 2011, l’ensemble de ces investissements a conduit à la création de plus de 31.000 emplois en 2011, généré des revenus de près de 1.7 milliards de dollars dans l’écosystème économique, et créé 628 millions de dollars de taxes fiscales tant au niveau fédéral, des états que dans les communes. Cependant, certaines aides pour le développement de biocarburants disparaissent. Pour favoriser le développement de biocarburant dit « avancés », en 2004, il avait été mis en place un crédit d’impôt pour l’éthanol de maïs (Volumetric Ethanol Excise Tax Credit) d’un montant de 45 cents par gallon. Cette aide vient de prendre fin le 31 décembre 2011. Des répercussions sont à prévoir sur les prix du marché des biocarburants.

Le coût d’achat du biocarburant chez le producteur est aujourd’hui trois fois plus élevé que le carburant classique. Tom Vilsack, secrétaire de l’agriculture, a annoncé lundi 16 janvier que l’administration d’Obama poursuivrait ses efforts pour aider les exploitants et les entreprises à augmenter les volumes de production. Cela se fera au travers de subventions, de prêts et d’allègements fiscaux pour la construction de raffineries de biocarburants et de centres de recherche. Le soutien financier devrait s’élever à 1 milliard de dollars. L’administration soutiendra aussi les agriculteurs, financièrement mais également dans le cadre de programmes d’accompagnement, afin qu’ils utilisent leurs ressources non alimentaires pour la production de biocarburants.

Malgré toutes ces aides, il n’est pas certain que les biocarburants deviennent économiquement viables et ce même pour le secteur de l’aviation qui devrait représenter 20% du marché des biocarburants à l’horizon 2020. Des efforts restent à fournir en termes d’optimisation du coût de production, du rendement et du prix de vente.

Selon l’institut Pike Research, la marché mondial des carburants devrait représenter 1 400 milliards de litres par an d’ici 2021. La demande en diesel pour les transports terrestres serait de 1 600 milliards de litres par an, et celle pour l’aviation et la marine de 750 milliards de litres par an. En estimant la production de biocarburant à 158 milliards de litres en 2022, cela ne représentera que 4% du marché total des carburants utilisés pour les transports.

Les objectifs, les capacités et les moyens de production des biocarburants seront des éléments clés pour les prochaines années aux Etats-Unis s’ils veulent devenir indépendant énergétiquement et les tendances montrent qu’ils vont devoir continuer à importer !

Origine et sources : BE Etats-Unis numéro 275 (27/01/2012) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/68934.htm

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