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Les Amis de la Terre s’opposent au projet d’usine d’huile de palme en France

Site de production d'huile de palme, photo Frédéric Douard

31 janvier 2011, Sylvain Angerand

A Port la Nouvelle, des investisseurs hollandais et malaisiens sont en négociation avec le Conseil régional du Languedoc-Roussillon, propriétaire du port, pour ouvrir la première usine spécialisée uniquement dans l’importation, le stockage et le traitement de d’huile de palme en France [1]. L’un des objectifs de cette usine pourrait être d’alimenter le marché émergent des agrocarburants en Europe. Or, la culture du palmier à huile, en pleine expansion, est l’un des principaux moteurs de la déforestation en Asie du Sud-Est.

Ce projet est porté par deux investisseurs : le groupe hollandais Vopack, un acteur-clé du développement des agrocarburants en Europe, et le groupe malaisien Sime Darby, l’un des principaux producteurs d’huile de palme au monde. Il est révélateur d’un phénomène amorcé depuis plusieurs années comme l’explique Christian Berdot référent sur l’agriculture au sein des Amis de la Terre France : «  Jusqu’à présent l’essentiel des importations d’huile de palme passait par les ports de l’Europe du Nord mais avec le développement des agrocarburants, la donne est en train de changer et les entreprises cherchent à investir sur la façade méditerranéenne pour être connectées plus facilement avec l’Asie. Nous sommes en train d’enquêter sur d’autres projets qui seraient à l’étude dans le Sud de la France ».

Les Amis de la Terre mènent campagne depuis 2004 pour dénoncer les impacts de la culture d’huile de palme sur les forêts et les communautés qui en dépendent.

Pour la Chambre de Commerce et d’Industrie de Narbonne, il n’y a pas de problème puisque l’huile de palme sera certifiée : Sime Darby est un des membres fondateurs de la Table ronde pour l’huile de palme durable [2]. Une certification extrêmement controversée comme l’explique Sylvain Angerand, chargé de campagne Forêts aux Amis de la Terre : «  De nombreuses entreprises impliquées dans la déforestation sont membres de la Table ronde l’huile de palme durable et ont fait pression pour affaiblir les critères : il est, par exemple, possible de raser des forêts si celles-ci ne représentent pas un intérêt majeur pour la conservation, ou d’utiliser dans les plantations un pesticide neurotoxique, le paraquat, interdit en Europe ». Il ajoute- : «  Le vrai problème est qu’il est impossible de répondre de façon quantitative à la demande mondiale croissante en huile alimentaire et en agrocarburant, sans raser les dernières forêts d’Asie du Sud-Est ou expulser toutes les communautés de leurs terres ».

L’huile de palme est utilisée aujourd’hui dans l’industrie agroalimentaire et cosmétique, mais les importations augmentent fortement depuis quelques années avec le développement des agrocarburants, lié à l’objectif européen d’incorporation de 10 % d’énergies renouvelables dans le domaine des transports d’ici à 2020.

Sylvain Angerand explique : « Depuis 10 ans, la consommation d’huile végétale a augmenté de 80 % en Europe, tirée par l’émergence des agrocarburants qui représentent aujourd’hui environ 30 % de la consommation totale européenne [3]. L’huile de palme peut être utilisée directement en mélange comme agrocarburant mais les importations ont surtout explosé par un effet de vase communiquant. La production européenne d’huile de colza et de tournesol a été détournée vers les agrocraburants, et en substitution, les industriels de l’agroalimentaire ont augmenté les importations d’huile de palme de façon massive. Les importations d’huile de palme ont presque doublé en dix ans. ».

Pour les Amis de la Terre, la solution à l’après-pétrole et aux changements climatiques n’est pas dans la fuite en avant avec les agrocarburants. L’association s’oppose à la construction de toutes nouvelles usines d’importation d’huile de palme, à Port la Nouvelle ou ailleurs, et demande, de façon urgente, de vrais mesures structurelles pour diminuer la consommation d’énergie en Europe : relocalisation de l’économie, développement des transports en commun ou encore moratoire sur la construction d’autoroutes, d’aéroports ou de lignes à grande vitesse.

Christian Berdot conclut : « Les masques tombent. Aujourd’hui, les Malaisiens viennent défier le monopole de l’agrodiesel en France. Mais que l’huile de palme soit importée ici, pour faire directement de l’agrodiesel ou pour compenser sa production à base de colza, c’est la même catastrophe sociale et environnementale. Les Amis de la Terre combattent tout projet – celui de Port la nouvelle comme le Diester – qui détournent des produits alimentaires de l’alimentation humaine ».

[1] Il existe déjà de nombreuses entreprises qui importent de l’huile de palme en France sur les ports de Dunkerque, Rouen ou encore Saint Nazaire mais il s’agit d’entreprises généralistes qui importent différentes huiles végétales.

[2] Voir, par exemple, une critique exhaustive du World Rainforest Movement : http://www.wrm.org.uy/publications/… ou les rapports des Amis de la Terre montrant comment des entreprises membres de la RSPO contituent d’être impliquées dans la déforestation : http://www.foei.org/en/resources/pu…

[3] D’après des données de l’European Biodiesel Board : http://www.ebb-eu.org/stats.php et de l’United States Department of Agriculture : http://www.ebb-eu.org/stats.php