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Brésil : le côté obscur du pétrole vert

Article de Raphaël Meulders pour la Libre Belgique, mis en ligne le 6 janvier 2011

Des Indiens “meurent de faim” suite à l’arrivée massive de plantations de cannes à sucre destinées au bioéthanol. Les producteurs occidentaux sont pointés du doigt.

Nos enfants meurent de faim parce que vos voitures ont soif. » Le message lancé par Anastacio Peralta, chef de la communauté Guarani-Kaiowa, a le mérite d’être clair. Vêtu de sa tenue traditionnelle, le représentant indien est venu plaider la cause de sa communauté début décembre dans le froid et sous la neige bruxelloise. But de ce voyage ? Faire connaître aux autorités européennes la situation « dramatique » dans laquelle vivent les Guaranis Kaiowa dans le Mato Grosso do Sul (Etat du sud du Brésil), suite à l’arrivée massive de cultures destinées à la production d’agrocarburants.

Le bioéthanol, ou pétrole vert comme l’appellent certains, n’est pas nouveau au Brésil, véritable précurseur en la matière. Cet alcool éthylique est obtenu à partir de la fermentation de matières riches en sucre, comme la betterave et la canne à sucre, ou en amidon, comme le maïs et le blé. Au Brésil, c’est la canne à sucre – à ce jour le produit le plus rentable et efficace pour ce type de production – qui a été choisie.

Le pays s’est lancé très tôt, dès 1938, dans cette course au pétrole vert. Mais c’est durant la longue dictature militaire (1964-1985) et suite au premier choc pétrolier de 1973 que le Brésil va carburer à toute allure à l’agro, avec le plan Pró-álcool (lancé en 1975). A l’âge d’or de cette production, à la fin des années 80, plus de sept voitures sur dix roulaient ainsi grâce à ce carburant, composé de 85 % d’éthanol et de 15 % d’essence. Mais cette production disparut presque totalement avec le retour de la démocratie. Le plan Pró-álcool semblait être une aventure sans lendemain jusqu’à la commercialisation dans le pays de la première voiture « flex-fuel » par Volkswagen en 2003, qui chamboula totalement le parc automobile brésilien.

Le système, simple mais diaboliquement efficace, accepte indifféremment l’essence, l’éthanol ou un mélange des deux. En 2009, 92 % des voitures (hors diesel) vendues au Brésil étaient « flex ». « Le principe est enfantin, explique Daniel Harres, habitant de Rio et possédant une voiture « flex » depuis quatre ans. C’est comme au restaurant : on compose son plein à la carte, en fonction du prix des différents carburants. » Des prix qui fluctuent fortement. « Mais en général le bioéthanol est, plus ou moins, deux fois moins cher que l’essence. » Les Brésiliens jonglent souvent avec leurs calculatrices : pour une même distance, il faut environ 30 % de plus d’éthanol que d’essence. En plus de fournir entièrement son marché intérieur, le Brésil est devenu le second exportateur de bioéthanol au monde et devrait, selon les prévisions, bientôt ravir la première place aux Etats-Unis. Le Brésil est même souvent comparé à l’Arabie saoudite du XXIe siècle par les médias locaux. Mais l’agrobusiness, propulsé par le gouvernement de Lula, ne fait pas de concession.

L’exemple le plus flagrant se retrouve au Mato Grosso do Sul, (MS) qui a tout pour devenir le futur grenier du pétrole vert brésilien. 65 % des nouveaux investissements en bioéthanol du pays se font ici. Et si « Mato Grosso » veut dire forêt épaisse en ancien portugais, les habitants de cet Etat du sud du Brésil n’ont plus qu’une notion vague de ce qu’était la jungle à l’arrivée des premiers colons…..

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