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Avis de l’ADEME sur les biocarburants de 1ère génération

Culture de colza, France, photo Frédéric Douard

Novembre 2010

Les enjeux

Afin d’atteindre les objectifs d’utilisation d’énergies renouvelables assignés au secteur des transports par l’Union Européenne, se développent de nouvelles motorisations (véhicules électriques) et de nouveaux carburants (biocarburants). Ces objectifs sont assortis de conditions contraignantes en matière de « durabilité » de la production de biocarburants (productions nationales et importations) et de mise sur le marché effective des biocarburants de 2éme génération à l’horizon 2020. En France, le plan de développement des biocarburants prévoit un taux d’incorporation, dans les carburants routiers, en contenu énergétique de 7% en 2010.

Description

Un biocarburant est un carburant constitué de dérivés industriels tels que les gaz, alcools, éthers,  huiles et esters obtenus après transformation de produits d’origine végétale ou animale. Les biocarburants de 1ère génération valorisent l’organe de réserve de la plante, des graisses animales ou des déchets. Ils sont actuellement diffusés sous deux formes :

  • Le biodiesel (issu d’huiles de colza, tournesol et soja), incorporé au gazole sous forme de carburant banalisé (sans obligation de marquage à la pompe) avec un taux maximum de 7 % en volume (B7) ou dans un carburant dédié aux flottes captives des collectivités et des entreprises, avec un taux maximum de 30 % en volume (B30).

    Betteraves à sucre, photo Frédéric Douard

  • L’éthanol (issu de plantes sucrières, de blé ou de maïs), incorporé à l’essence sous forme de carburant banalisé au taux maximum de 10 % en volume (SP 95, SP 98 et SP 95-E10) ou dans un carburant dédié aux véhicules à carburant modulable (flexfuel) avec un taux maximum de 85 % en volume (superéthanol – E85). L’éthanol consommé en France est introduit dans l’essence soit directement, soit sous forme d’ETBE (éther obtenu par réaction chimique entre le bioéthanol et l’isobutène issu de ressources fossiles). L’ETBE est présent dans les carburants banalisés, mais pas dans le superéthanol.

La recherche est orientée vers les biocarburants de 2e génération : il s’agit de parvenir à la valorisation de l’intégralité de la plante et à l’utilisation d’autres plantes ou matières premières.

Marché

En 2009, environ 2,7 millions de tonnes de biocarburants (2 540 ktep) ont été consommées sur le marché français, représentant 6,04 % (en pouvoir énergétique) de la consommation nationale
annuelle d’essence et de diesel. Ils se répartissent entre biodiesel (2,1 millions de tonnes, 2 070 ktep) et éthanol (619 milliers de tonnes, 471 ktep). Les biodiesels diffusés en France sont majoritairement issus de colza. Les approvisionnements des unités de production en colza et en tournesol se font prioritairement au niveau local puis au niveau européen. La part d’huile de soja, importée, est toutefois en progression (jusqu’à 25 % des approvisionnements en huile). L’utilisation d’huile de palme, importée, demeure très marginale.
L’éthanol est majoritairement incorporé à l’essence après transformation en ETBE (68% en masse en 2008). La part d’éthanol incorporé directement, encore marginale, augmente régulièrement depuis 2006. L’approvisionnement des usines d’ETBE est constitué majoritairement d’éthanol produit en France (autour de 70 %).

Avantages & inconvénients
POINTS FORTS – réduction des émissions de gaz à effet de serre pour
les carburants consommés en France
– contribution à l’indépendance énergétique du secteur
des transports
– diversification des activités agricoles et valorisation
des coproduits
POINTS FAIBLES – impact potentiel du changement d’affectation
des sols et incertitudes concernant son
évaluation
– impacts des modes de culture (rejets NOx, ammoniac, nitrates), toutefois non spécifiquement
liés à la production de biocarburants

Points forts

Sucrerie et distillerie de Boiry Sainte Rictrude, Pas-de-Calais, photo Frédéric Douard

Un bilan énergétique positif

L’analyse de cycle de vie des biocarburants de 1ère génération réalisée en 2009 indique que les biodiesels et les bioéthanols à partir desquels sont constitués les carburants réels consommés en France affichent toujours des bilans énergétiques, du puits à la roue, largement positifs par rapport aux carburants fossiles de référence (essence et gazole). Les filières biodiesels présentent les bilans énergétiques les plus intéressants avec des réductions de consommation d’énergie non renouvelable, allant de 65% (esters d’huiles végétales et HVP) à 82% (esters d’huiles alimentaires usagées et graisses animales) par rapport à un gazole fossile. En raison de leur mode de production, plus énergivore, les éthanols affichent des niveaux de réduction allant de 49% (éthanol de blé) à 85% (éthanol de canne à sucre). Les gains énergétiques sont plus mesurés pour les ETBE, allant de 18% (ETBE de blé) à 54% (ETBE de canne à sucre).
Les scénarios prospectifs à 5 ans montrent des potentiels d’amélioration de 10% pour les biodiesels, conduisant à une valeur moyenne de réduction de 70%. L’amélioration serait de 15% pour la filière éthanol, ce qui permettrait d’atteindre une réduction moyenne de 60% par rapport aux carburants fossiles. Pour les ETBE, les améliorations énergétiques envisagées pourraient permettre d’atteindre des réductions de l’ordre de 26 à 58 %.
Réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) Dans les conditions actuelles de production et l’état consensuel des connaissances (notamment sur les émissions de N2O), en l’absence d’impact lié à un changement d’affectation des sols, les biocarburants présentent des gains nets en émission de gaz à effet de serre, par rapport à des carburants fossiles, de 59 à 91 % pour les biodiesels et de 49 à 72 % pour les bioéthanols incorporés directement. L’incorporation sous forme d’ETBE vient diminuer les gains des filières éthanol conduisant à des réductions d’émissions de GES allant de 24% à 47% par rapport à celles des filières fossiles de référence. La comparaison avec des études récentes (françaises ou européennes) montre une cohérence d’ensemble.
Sur la base des hypothèses faites dans les scénarios prospectifs à 5 ans, les bilans pourraient s’améliorer de 20 % pour les filières éthanol ce qui permettrait d’atteindre des valeurs moyennes de réduction de 70% par rapport à l’essence EURO. Pour les biodiesels, les améliorations attendues devraient se situer autour de 10 %, conduisant à une valeur moyenne de réduction d’environ 70% par rapport au gazole. Pour les ETBE, les améliorations envisagées pourraient permettre d’atteindre des réductions de l’ordre de 37 à 72 % par rapport à l’essence EURO.

Autres débouchés pour le secteur agricole : la production de biocarburants génère la production de coproduits utilisés en alimentation animale (tourteaux de colza, drèches de blé, pulpes de betteraves), en chimie (glycérol) et en épandage agricole.

Points faibles

Incertitude sur l’impact du changement d’affectation des sols Le développement de cultures énergétiques à des fins de production de biocarburants peut conduire à un changement d’affectation des sols (CAS), concrétisé par la disparition de prairies, de zones humides ou de forêt primaire ou encore le déplacement de cultures alimentaires. Les données disponibles aujourd’hui ne permettent pas de connaître l’impact du CAS sur les bilans effet de serre avec suffisamment de précision et de consensus. Des projections ont ainsi été réalisées au cours de l’étude ACV pour en examiner l’impact potentiel sur les bilans.

Palmeraie dans la forêt tropicale camerounaise, photo Frédéric Douard

Si dans les conditions actuelles, la production européenne de biocarburants ne génère pas de CAS direct en raison des critères d’éco-conditionnalité de la PAC, la question peut se poser pour les cultures importées et notamment la canne à sucre ou le soja produit en pays tropicaux. La prise en compte d’hypothèses moyenne à forte de CAS directs peut inverser les bilans de certaines filières et notamment le biodiesel de soja, l’éthanol de canne à sucre et le biodiesel de palme. Pour ce dernier, des scénarios avec un CAS important peuvent apparaître plausibles, compte tenu de projets industriels récents d’acteurs européens.
Le CAS indirect est plus complexe à mesurer. Une analyse de sensibilité menée sur des filières françaises montre que la prise en compte de scénarios très pessimistes de CAS indirect (ex : remplacement d’1 kg d’huile de colza par 1 kg d’huile de palme produite entièrement sur des zones de forêt tropicale humide) viendrait inverser leurs bilans par rapport aux carburants fossiles. Les éthanols semblent plus sensibles au CAS indirect que les biodiesels avec les hypothèses utilisées. L’importance et la variabilité de ce facteur imposeront pour évaluer au plus juste ses effets de construire des scénarios s’approchant au plus près de la réalité pour les différentes cultures.

Impact environnemental liés aux modes de culture : l’étape de production agricole engendre des impacts environnementaux négatifs, liés aux modes de cultures et non spécifiques aux biocarburants. Le lessivage des nitrates, les émissions d’ammoniac ou de NOx confèrent aux biocarburants des potentiels d’eutrophisation supérieurs à ceux des carburants fossiles, à un niveau proche de celui des cultures alimentaires. Des analyses complémentaires devront être menées pour préciser le niveau réel de risque sur l’environnement…..

…..Télécharger l’avis complet avec ses sources sur le site de l’ADEME