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Les agrocarburants en attendant de changer nos habitudes

Mer de Colza, Frédéric Douard

Agrocarburants ou biocarburants, ils ne sauveront ni la voiture ni la planète

Les champs de céréales à perte de vue sur toute la planète pour alimenter nos véhicules. Cette idée est définitivement irréaliste et de surcroit la solution s’avère pire que le mal. Malheureusement, les politiques ont été manœuvrés par quelques lobbies industriels sans foi ni loi. Je me sens dans le besoin de préciser certaines choses : suite aux nombreux commentaires sur mon précédent article, je pense qu’il est important de ne pas prendre ou rejeter l’idée d’agrocarburant en bloc.

Tout d’abord, le développement des agrocarburants pose un problème éthique majeur : un plein de 4×4, c’est 250 kg de céréales, soit la ration d’un homme pendant un an. France Nature Environnement rappelle que plus de 850 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim. De plus les solutions proposées sont cultivées sur des surface agraires, aucune des solutions exposées ne poussent en zone où il n’y a ni forêt à défricher ni champs existants, donc soit on déforeste, soit on prend le pain de la bouche des pays pauvres pour nourrir nos voitures ! La plante qui produit suffisamment d’huile ou d’alcool et qui vit dans le désert n’a pas été trouvé (voir les cultures de Jatropha).

Ensuite, il faudrait par exemple cultiver 118% de la surface totale de la France en tournesol pour remplacer l’intégralité des 50Mtep de pétrole consommés chaque année (juste) par les Français dans les transports (104% de la surface nationale avec le Colza, 120% avec la betterave et 2700% avec le blé). Et sachant qu’un hectare de soja produit en moyenne 500 litres de biodiesel, quand le même hectare planté de palmiers à huile en produit 3700 litres…

Il ressort que seulement trois productions permettent des rendements élevés : la canne à sucre, la betterave (pour l’éthanol) et l’huile de palme (biodiesel). Et toutes trois, bien sûr ne poussent qu’à la place de cultures vivrières ou, comme pour le Brésil et l’Indonésie, à la place de forêts. Sachant que le but à atteindre est la réduction d’émission de CO2, et que les forêt absorbent ce même gaz, le remède est pire que le mal. Je ne dis pas qu’il faut continuer à polluer avec du pétrole, mais la solution miracle des agrocarburants n’existe pas.

La Banque mondiale vient de publier un rapport sur le développement dans le monde en 2008, intitulé « L’agriculture au service du développement ». Ce texte fait état des problèmes posés par le soutien étatique à l’essor des biocarburants. En effet, s’ils offrent une source potentielle d’énergie renouvelable et pourraient ouvrir de vastes marchés pour les agriculteurs, peu de programmes sont économiquement viables, et la plupart d’entre eux ont un coût social et environnemental. Leur développement peut entraîner des effets dangereux tels que l’intensification de la compétition autour des terres et de l’eau, ou la déforestation. D’où l’importance d’une évaluation approfondie des opportunités et des coûts dans les stratégies nationales.

Bien sur la solution pour la préservation de la planète n’est pas de trouver une alternative au pétrole mais de se passer du pétrole. Cependant l’homme occidental n’est apparemment pas près à lâcher ce fardeau du 20ème siècle qu’est la voiture. Donc pour un passage plus en douceur à l’utilisation de nos jambes comme force motrice, il convient de trouver des moyens de moins polluer avec nos habitudes actuelles. Le danger est grand dans ce cas de se contenter de ces palliatifs, ce qui serai une désastreuse erreur pour la planète, socialement et écologiquement.

Ainsi, les agrocarburants peuvent être une demie solution en attendant nos changements personnels (en les provoquant c’est toujours mieux !). On ne peut rejeter complètement les biocarburants comme une entité, les applications sont nombreuses, donc les idées « foireuses » aussi. Mais certaines de ces applications sont déterminées avec sérieux quand à la production et à son impact, ainsi les quelques exemples que je développe ci-dessous. Si vous souhaitez d’avantages de détails techniques sur la production des carburants, lisez l’article d’ekopedia à ce sujet.

Outre la noix de Jatropha, l’huile de palme et la canne à sucre dont j’ai décrit leurs défaut dans mon précédent article, il y a d’autres agrocarburants. Commençons par le populaire Sorgho. Je n’aurai pas besoin de le décrier beaucoup, si on prend le sorgho pour nos voitures il ne leur restera rien à manger.

Beaucoup plus sérieuses sont les études sur les algues et les déchets de poissons. Une entreprise de transformation de déchets de poisson à ouvert ses portes au Vietnam, premier exportateur de poissons d’élevage. Cette « usine » est installé auprès d’une exploitation qui génère quotidiennement beaucoup de déchets (tout ce qui n’est pas le filet !). Avec les subsides de l’Union Européenne et une entreprise finlandaise, le projet a été étudié et mis en place avec succès. Cette ressource s’avère être rentable, productive, respectueuse de l’environnement et des besoins de la population locale. Les algues représentent une ressource très importante qui ne nécessite pas de couper des forêts ou de prendre des terres agricoles. Dès le début ce projet est intéressant. La transformation des algues en carburant est aisée et leurs valeur ajoutée est énorme. A l’essai dans de nombreux pays (USA principalement) cette technologie est très prometteuse.

Pour conclure je rappelle que les agrocarburants ne sont qu’une alternative aux produits pétroliers en attendant de changer radicalement nos habitudes. Sans être alarmiste, nous ne pouvons continuer ainsi : depuis les années 1940 nous avons pollué plus que de toute l’histoire de l’humanité, et les changements se font déjà sentir. L’homme s’adaptera sans doute à un univers stérile de biodiversité sur une terre sous perfusion mais est ce dont nous voulons vraiment ?

Lundi 26 juillet 2010

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