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Organom sépare ses biodéchets ménagers pour les transformer en biogaz

Article paru dans le Bioénergie International n°44 de juin-juillet 2016

Les installations de méthanisation des biodéchets d’Ovade à Viriat, photo Frédéric Douard

Organom, syndicat intercommunal de traitement et de valorisation des déchets ménagers dans le département de l’Ain, regroupe 196 communes qui représentent 330 000 habitants. Le syndicat a inauguré le 24 juin 2016 une usine de valorisation des ordures ménagères résiduelles à Viriat près de Bourg-en-Bresse. Créé en 2002 pour mettre en œuvre le plan départemental d’élimination des déchets ménagers, le syndicat a confié à la filiale déchets d’Edf, Tiru, le soin d’étudier, de construire et d’exploiter cette unité nommée Ovade.

Une longue maturation de la filière TMBM

Vue de l'usine Ovade depuis le haut du digesteur, photo Tiru

Vue de l’usine Ovade depuis le haut du digesteur, photo Dalkia Wastenergy

L’évitement ou le traitement des ordures ménagères déchaînent les passions depuis des décennies. Tout le monde est aujourd’hui d’accord sur le fait qu’il vaut mieux ne pas produire de déchets. Mais comme personne ne parvient à éviter leur production, il faut quand même s’en occuper. Et là tout le monde s’accorde également aujourd’hui sur le fait qu’il faut avant tout revaloriser les matières premières en passant par un tri sévère à la source, c’est en tout cas ce que la loi exige dorénavant en France.

Après le tri à la source, il reste les OMR, les ordures ménagères résiduelles, collectées à part pour être soit incinérées avec obligatoirement production d’énergie (le cas des UVE, les unités de valorisation énergétique), soit triées en usine pour en extraire le reliquat recyclable… sauf que cette seconde solution se heurte à la difficile gestion d’une fraction importante, sale et malodorante : la matière organique.

Cette seconde voie c’est le tri mécano biologique (TMB). Et si l’histoire de cette filière a commencé en France dans les années 1980, avec deux variantes, TMB-compost et TMB-méthanisation-engrais (les UVO, les unités de valorisation organique), le chemin fut laborieux et semé d’expériences plus ou moins heureuses qui ont terni quelque peu l’image de cette filière qui se veut pourtant vertueuse.

Les deux principaux écueils rencontrés par les TMB ont été les nuisances occasionnées autour des unités (odeurs nauséabondes et mouches) et la faible pureté du compost, destiné pourtant à enrichir les terres pour la culture d’aliments.

Devant ces difficultés, devant aussi souvent l’hostilité des populations contre l’incinération qui ne fut pas non plus parfaite dans le passé, de nombreuses collectivités ont préféré continuer à pratiquer le statu quo, c’est à dire à mettre en tas sans valorisation. Or désormais, la loi sur la transition énergétique, promulguée à l’été 2015 en France, fixe une obligation de valorisation des déchets d’au moins 50% et le temps de choisir entre UVE et UVO est donc arrivé pour tout le monde.

Système de lavage acide de l’air vicié du local de TMB à Ovade, photo Frédéric Douard

Organom n’a quant à lui pas attendu cette obligation, car la mise en décharge présente également des inconvénients olfactifs forts pour le voisinage, outre le fait bien sûr que ce soit une méthode peu vertueuse de traiter le problème. Ainsi, dès le début des années 2000, la collectivité a cherché des alternatives à l’enfouissement et c’est notamment ce qui a conduit à la création d’Organom en 2002. Et en 2005, devant les oppositions locales à l’incinération, elle a opté pour la valorisation organique. Ovade est donc le résultat d’une démarche active de plus de dix années.

Ainsi, avec une production de gaz combustible propre et standard, avec la production d’engrais à faible coût énergétique, mais à la condition expresse de maîtriser les deux questions épineuses évoquées juste avant, la filière TMB & méthanisation (TMBM) peut apparaître avantageuse pour le traitement des OMR, à comparer à leur combustion.

Par contre, pour la partie non-organique, mais quand même combustible des OMR et séparée par le TMB, et que l’on définit maintenant comme refus à haut PCI (pouvoir calorifique) ou CSR, combustibles solides de recyclage, la combustion restera une voie préférable d’un point de vue énergétique et environnemental à l’enfouissement, si bien sûr tous les efforts ont été mis en œuvre en amont pour en sortir le maximum de matières réutilisables.

La fosse de réception des déchets pour le chargement des malaxeurs, photo Frédéric Douard

La situation initiale avant Ovade

La cheminée des nouvelles unités de cogénération du biogaz à Ovade, photo Frédéric Douard

Avant Ovade, le syndicat avait à gérer une solution d’enfouissement total des OMR sur le site de la Tienne à Viriat, avec valorisation du biogaz capté sur les casiers de stockage, et ce dans un contexte très difficile de pollution olfactive perceptible à des km à la ronde. L’obligation de résultat était ainsi très forte à ce niveau.
Rappelons également que le département était également confronté à une opposition forte contre le projet de création d’un second centre d’enfouissement dans la Dombes.

Donc côté enfouissement, Organom gère aujourd’hui à Viriat un parc de six casiers actifs en termes de production de biogaz :

  • 1er casier alimenté de 1984 à 1995 (production de biogaz désormais faible)
  • 2e casier alimenté de 1995 à 2001 (production de biogaz désormais faible)
  • 3e casier alimenté de 2001 à 2005 (production moyenne de biogaz)
  • 4e casier alimenté de 2005 à 2009 (production moyenne de biogaz)
  • 5e casier alimenté de 2009 à 2014 (bonne production de biogaz)
  • 6e casier alimenté depuis décembre 2014, il recevra la fraction non valorisée du TMB et continuera à produire du biogaz durant plus de 20 ans.

Ces casiers sont dégazés par un réseau de 151 puits et 4,5 km de canalisations. Pour la valorisation de ce biogaz, Organom travaille depuis 2012 avec Méthanergy, concessionnaire pour 15 ans, et qui exploite trois moteurs Deutz-MWM, montés dans des modules de cogénération ETW de 800, 400 et 190 kWé, soit 1390 kWé au total.

En 2015, ces installations ont produit 7,27 GWh à partir de 4 891 941 Nm³ de biogaz valorisé (86 % du biogaz total), ce qui correspond à un débit de 800 Nm³ /h. Les 14% restant sont torchés, ils correspondent à l’écrêtage des moteurs.

Les processus industriels d’Ovade

Avec l’unité Ovade, Organom et Tiru ont donc fait le choix du TMBM en s’appuyant sur le principe déjà évoqué de favoriser la production d’énergie et d’engrais lorsque les déchets ne sont pas recyclables. Ce choix s’appuie sur l’expérience de Tiru en la matière sur de nombreux sites et très récemment sur l’expérience très similaire menée par le SMET 71 non loin de Viriat, sur le site Ecocéa de Chagny en Saône-et-Loire, mais dont l’option fut l’injection du gaz.

Les deux tambours de préparation des matières chez Ovade, photo Frédéric Douard

Le site de La Tienne est conçu pour valoriser 66 000 tonnes d’OMR et 7500 tonnes de déchets verts par an. Ce sont ainsi 230 tonnes d’ordures qui sont réceptionnées chaque jour ouvré dans une fosse de 1600 m³. Une pelle à grappin transfère les déchets de la fosse vers les deux trémies d’alimentation des tubes malaxeurs. À cette occasion, le conducteur de l’engin extrait les gros morceaux indésirables.

Le tri mécano-biologique

Il permet de séparer les déchets en fonction de leur nature, notamment la matière organique pour la méthaniser, les métaux ferreux et les déchets inertes qui sont valorisés par ailleurs.

Les tambours de préparation des matières chez Ovade, photo Frédéric Douard

Les ordures ménagères sont introduites dans deux tubes malaxeurs de 42 m de long et 4,25 m de diamètre qui effectuent une rotation complète par minute. Chaque tube est rempli aux ¾, ce qui représente environ 320 tonnes par tube. Les ordures y séjournent 2 à 3 jours à une température de 40 °C environ, obtenue par fermentation naturelle. Durant cette étape, les sacs de déchets s’ouvrent, les produits sont mélangés et commencent à fermenter naturellement. À la sortie des tubes malaxeurs, les déchets sont acheminés par un convoyeur vers les étapes de tri.

Les éléments dont la taille est supérieure à 20 cm sont séparés des plus petits à l’aide d’un premier crible et sont pour l’instant dirigés vers des bennes en direction de l’enfouissement.

Le local et les chaines de tri avec aspiration de l’air vicié à Ovade, photo Frédéric Douard

Ensuite, les éléments d’une taille inférieure à 20 cm sont convoyés vers un nouveau crible rotatif avec une maille de 5 cm. Les déchets sont ainsi triés de plus en plus finement pour permettre de récupérer la matière organique Ces déchets passent ensuite sous des aimants pour récupérer les métaux ferreux qui seront valorisés.

Enfin, une grande partie des déchets inertes (cailloux, sable) est retirée de la matière organique destinée à la méthanisation, grâce à trois tables à rebonds successives.

Le processus de tri simplifié d’Ovade, par rapport à d’autres UVO, permet d’introduire davantage de matière organique dans le digesteur, engendrant de ce fait une production plus importante de biogaz. Une dernière étape en sortie de digesteur retire définitivement toute matière solide non-désirable.

La méthanisation

Ovade dispose d’un digesteur vertical de 3450 m³, pouvant traiter 150 tonnes de matière par jour en voie pâteuse (35% de MS). Il mesure 17 m de diamètre et 25 m de haut.

Le digesteur OWS d’Ovade, photo Frédéric Douard

Avant introduction dans le digesteur, la matière organique est préparée dans un malaxeur où l’on ajoute de l’eau et de la vapeur produites à partir des moteurs de cogénération, et ce pour chauffer la matière à 55°C, le digesteur étant bien sûr isolé thermiquement. Les matières entrantes sont introduites dans le digesteur à raison de sept huitièmes de digestat mature pour ensemencer la matière entrante, et 1 huitième de matière fraîche. La matière y séjourne en moyenne ainsi durant 21 jours. Du chlorure ferreux (FeCl2) est également ajouté à la recette afin de réduire le sulfure d’hydrogène (H2S) fort malodorant et corrosif.

À chaque boucle de passage, un huitième du volume ressort en digestat par la partie basse de l’édifice en forme de cône, par gravité, et donc sans consommation d’énergie supplémentaire. Le reste est transformé en biogaz, produit et extrait en permanence par le haut de la cuve.

La vis d’extraction sous le digesteur OWS à Ovade, photo Frédéric Douard

La technologie Sordisep® constitue la particularité de l’unité Ovade. Par un système de lavage, tri, centrifugeuse et essoreuse, la matière organique qui sort du digesteur est nettoyée et séparée des plastiques ou inertes encore volontairement présents à ce stade. Ce procédé offre deux avantages. Il permet d’abord d’améliorer la qualité du compost en nettoyant la matière organique de tout élément non-désirable en sortie de digesteur. Il rend également possible l’envoi dans le digesteur davantage de matière organique puisque celle-ci sera triée plus finement une fois digérée. L’unité de Viriat est la première au monde à appliquer ce procédé de lavage des digestats de façon industrielle. Il permet d’améliorer la qualité du compost et le rendement énergétique de l’usine en biogaz.

Le gazomètre d’Ovade, photo Frédéric Douard_web

La cogénération

Le biogaz est récupéré en haut du digesteur et stocké dans un gazomètre tampon de 600 m³. De là il est désulfurisé au charbon actif, déshydraté et alimente deux moteurs MAN de 1200 et 800 kWé placés dans des conteneurs. L’électricité est vendue à EDF. C’est la société PrO2 qui réalise l’exploitation de ce poste.

Côté chaleur, le maintient en température du digesteur consomme environ 5% de la chaleur produite sur l’année, le reste étant disponible pour des valorisations futures.

Le compostage

Le mélange de 2/3 de digestat avec 1/3 de déchets verts broyés permet de produire un compost de qualité valorisable en agriculture, riche en matière organique de par l’apport de matière non méthanisée (norme NFU 44 051).

La mise en place de l’unité de lavage Sordisep® en sortie du digesteur garantit un compost de qualité supérieure. Le produit qui résulte du nettoyage de la matière organique est mélangé à des déchets verts préalablement broyés constitués de végétaux, de branches, de tontes de gazon, de feuilles en provenance des déchetteries. Ce mélange est répandu dans des tunnels de maturation, étape permettant le séchage et le début de la phase de compostage de la matière. Le compost va être amené progressivement à maturation. Le principe de la maturation est d’aérer et de retourner le compost pour le stabiliser.

Cellule de maturation du compost, photo Frédéric Douard

Après cette étape, le compost est transporté dans l’une des loges de post-maturation. Au bout de trois semaines, il est retourné et entreposé dans une seconde loge. Ce retournement permet d’aérer et ainsi de fournir l’oxygène nécessaire à la stabilisation du compost.

Le compost stabilisé est ensuite affiné et criblé avec une maille fine de 2 cm. Il en ressort fin, homogène, relativement sec avec ses 55% de MS, et facilement utilisable. Il est analysé avant d’être vendu. Les morceaux les plus gros issus du dernier crible, au-dessus de 2 cm, sont mélangés aux végétaux broyés et servent de structurant pour le digestat. Ils sont ainsi réintroduits dans le procédé de compostage.

Une attention particulière portée au problème des odeurs

Au sein des nouveaux bâtiments, des équipements de captation et de traitement de l’air ont été installés. 140 000 m³ d’air sont aspirés chaque heure par un réseau de 600 m de gaines. Cet air permet d’aérer le compost lors de la maturation, avant d’être traité par lavage acide et de passer à travers un lit de 900 m² et de deux mètres d’épaisseur d’écorces de bois. Ce biofiltre permet de supprimer les odeurs et améliore globalement l’impact olfactif du site de La Tienne.

Les deux biofiltres d’écorces pour purifier l’air de ventilation avant son rejet, photo Frédéric Douard

Les chiffres d’Ovade
Valorisation des déchets de 330 000 habitants
24 mois de travaux et de réglages des installations, achevés en mars 2015
1 an d’essais avant livraison de l’usine à l’été 2016
100 entreprises sous-traitantes pour la réalisation des travaux
Création de 20 emplois permanents
Investissements : 54 millions d’euros hors taxes
3 mois sont nécessaires entre l’arrivée des déchets et la production du compost final
Coût de traitement de la tonne d’OMR : 110 € à ce stade du projet, dont 60 € d’amortissement
Prix de vente du compost : 0 à 10 € la tonne départ
Chiffres annuels à partir de 2016
66 000 tonnes d’ordures ménagères traitées
Coût d‘exploitation Ovade actuel : 4 M €
Production d’électricité d’Ovade : 10 GWh
Recettes de vente d’électricité Ovade : 1,4 M €
Redevance facturée aux habitants : 2,6 M €
Production de chaleur d’Ovade : 11 GWh
7500 tonnes de déchets verts traités
20 000 tonnes de compost normé produites
3350 tonnes de métaux ferreux récupérées
4120 tonnes de matériaux inertes valorisées
28 500 tonnes de refus bas et haut PCI enfouies à ce jour dans l’ISDND (> 40%)
Production électrique de l’ISDND : 7,27 GWh
Production de chaleur de l’ISDND : 7,5 GWh
Production totale d’électricité du site (Ovade + ISDND) : 17,27 GWhé
Chaleur totale encore disponible sur le site (Ovade + ISDND) : 18 GWh

L’évacuation de l’air épuré en sortie de biofiltres à Ovade, photo Frédéric Douard

Des marges de progrès de l’efficacité encore importantes

La collectivité vient de faire un grand pas vers la réduction de l’enfouissement, mais à ce jour, les 54 millions d’euros investis ne permettent de sauvegarder que 50% des matières et ne valorisent que 5% de la chaleur des moteurs d’Ovade et 0% de celle des moteurs de l’ISDND.

Nul doute que ce nouveau projet n’en soit qu’à sa première étape, celle qui validera le bon fonctionnement des processus du TMBM en matière d’environnement proche et de qualité du compost. Mais les investissements réalisés permettent d’ores et déjà d’envisager de faire encore beaucoup mieux en matière de taux de valorisation et donc de coût de traitement des ordures.

La chaîne de tri en amont des digesteurs permet dès aujourd’hui d’isoler les combustibles à haut PCI, ceux légers et mesurant plus de 200 mm, et qui pourront avec quelques aménagements être valorisés en CSR dès lors que le marché le permettra. Il s’agira par exemple, pour en améliorer encore la qualité, de les laver puis de les sécher avec la grande quantité de chaleur à disposition. Une telle option permettrait de sortir ces produits qui représentent désormais une bonne partie des produits à enfouir et qui, s’ils étaient valorisés en énergie, pourraient monter le niveau de valorisation des OMR bien au-delà des 50% actuellement escomptés !

En ce qui concerne le bilan des installations de production d’énergie, il est clair que celui-ci pourrait être quasiment doublé, partant de 17,3 GWh et visant les 35 GWh d’énergie valorisée par an, électricité et chaleur, et faisant grimper le rendement global du site. Pour cela, de nombreuses valorisations sont envisageables, comme le séchage des CSR lavés, ou un réseau de chaleur alimentant un tiers extérieur, ou encore le séchage de produits comme du bois-énergie : des plaquettes ou une usine de briquettes de ou de granulés de bois ! Des turbines ORC pourraient également récupérer la partie la plus chaude de cette chaleur, celle des gaz d’échappement des moteurs, pour la convertir aussi en électricité, et fournir ainsi quelques MWé supplémentaires.

Le sommet du digesteur d’Ovade et les appareils de mesure de la qualité de l’air, photo Frédéric Douard

Contacts :

Frédéric Douard, en reportage à Viriat

Voir également cette vidéo illustrant l’ensemble des processus à Ovade :


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