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Les perspectives pour les biocarburants 2G et 3G en Allemagne

Conférence du BMEL sur les biocarburants, photo Ambassade de France en Allemagne

Conférence du BMEL sur les biocarburants, photo Ambassade de France en Allemagne

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Le Ministère fédéral de l’alimentation et de l’agriculture (BMEL) et son agence de moyen dédiée à la bioéconomie, l’Agence pour les matières premières biosourcées (FNR), ont organisé le 2 et 3 mars 2015 une conférence sur la thématique des nouveaux biocarburants. Des chercheurs et des industriels étaient conviés pour présenter leurs avancées dans le domaine des biocarburants 2G (à partir de biomasse non-alimentaire telle que la paille) et 3G (à partir de micro-algues).

Un secteur incertain du fait de politiques publiques changeantes

La conférence s’est ouverte avec une session consacrée à un aperçu global des biocarburants : politiques publiques mises en oeuvre et perspectives d’avenir du secteur. De cette première partie est principalement ressortie un climat d’incertitude quant à l’avenir des subventions accordées au secteur : la commission européenne, représentée à la conférence par M. Schlecker (DG Recherche et innovation), et de nombreux pays européens ont marqué leur volonté de limiter le développement des biocarburants 1G (à partir de biomasse alimentaire, éthanol provenant de mais par exemple) du fait des ILUC [1]. A l’horizon 2020, toute subvention sera probablement rendue illégale au niveau européen.

Le BMEL, représenté par M. Clemens Neumann, a présenté les évolutions de la stratégie allemande entrée en vigueur 2015 : l’ancienne politique de quota pour les biocarburants est remplacée par un objectif global de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 6% en 2020, grâce à l’utilisation des biocarburants (que ce soit par intégration de bioéthanol dans les carburants classiques ou par une utilisation accrue du biodiesel). Le BMEL veut ainsi s’assurer que les nouveaux carburants aient réellement un impact positif sur le climat. Pour cela, environ 10 millions d’euros provenant du budget fédéral allemand sont investis chaque année dans la recherche [2], auquel s’ajoute 6 millions d’investissement privé en 2014 [3] (contre 10 millions d’euros en 2010).

Mme Müller-Langer du Centre de recherche allemand sur la biomasse (DBFZ) de Leipzig (Saxe) a rappelé la diversité des procédés qui produisent chacun différents types de biocarburants et/ou additifs ayant des coûts économiques et des bénéfices environnementaux très différents les uns des autres. Ceux-ci étant aussi très dépendant des sites de production : chaque région agricole ayant ses spécificités rendant la production de tel type de biocarburant plus ou moins appropriée.

Le transport aérien et maritime

Le directeur de la R&D de Rolls Royce Allemagne, Ulrich Wenger, était invité à détailler les possibilités d’utilisation des biocarburants dans le transport aérien. Il est revenu sur le fait que le kérosène n’était pas qu’un simple carburant, mais un fluide multifonction utilisé aussi, par exemple, pour l’air conditionné dans les avions. Par ailleurs, la durée de vie des aéronefs est telle que toute nouvelle solution doit absolument être « drop-in », c’est-à-dire directement utilisable dans les réacteurs existants. La densité énergétique joue aussi un rôle essentiel, afin de limiter le poids du carburant embarqué (et donc la consommation). Dans ce contexte, le projet Aufwind cherche à développer une installation pilote de synthèse de biokérosène à partir de micro-algues (biocarburants 3G) cultivées dans des photobioréacteurs [4]. Le Centre de recherche de Juliers (FZJ, Rhénanie du Nord-Westphalie) est le coordinateur du projet du côté de la recherche, tandis qu’Airbus est le commanditaire industriel. La FNR assure le financement à hauteur de 6 millions d’euros sur les 7,5 millions du projet. Des résultats sont attendus sur la fin de l’année 2015.

Sur le plan maritime, les chercheurs de l’Institut danois de technologie concentrent actuellement leurs efforts sur la réduction de l’acidification des océans par les moteurs, les quantités de CO2 émises dans l’atmosphère étant minimes. Le gaz naturel liquéfie (GNL, ou LNG en anglais) constitue une des alternatives, mais nécessite des investissements d’infrastructure importants : tous les ports n’en proposent pas et un système de refroidissement interne aux navires serait nécessaire. Les Danois développent actuellement un processus de liquéfaction hydrothermale de biomasse lignocellulosique pour produire des biocarburants 2G drop-in (même problématique de durée de vie des navires que celle des avions) qui devraient être testés dans l’année.

Les biocarburants 2G & 3G pour le transport terrestre

Le principal projet allemand en cours est bioliq, un procédé de traitement de la paille pour produire des biocarburants, mis au point par l’Institut de technologie de Karlsruhe (KIT, Bade-Wurtemberg). Lancé en 2005, il a déjà permis la construction d’une raffinerie pilote capable de produire jusqu’à 100 l/h pour un cout estimé entre 0,75 et 2 euros/l (8 études technico-économiques d’acteurs différents s’opposant sur la part des coûts fixes et variables). Bioliq est désormais devenu une entreprise européenne avec le soutien du programme Horizon 2020, comprenant 40 personnes travaillent actuellement dessus, dont 12 doctorants. 46 millions d’euros ont déjà été investis en dix ans dans ce programme, parmi lesquels 26 millions de subventions de la FNR.

Mme Schmid-Staiger, du centre Fraunhofer pour le génie des interfaces et les procédés biotechnologiques (IGB), travaille quant à elle, sur les biocarburants 3G et a développé avec son équipe des photobioréacteurs pour une utilisation en plein-air. Des installations en laboratoire (avec des LEDs) et en extérieur ont déjà pu être testées et validées scientifiquement. L’étape suivante est la création d’un pilote industriel avec le soutien de la spin-off du Fraunhofer, Subitec GmbH, spécialisée dans les micro-algues, ainsi que du sucrier allemand, Südzucker AG. La FNR est aussi partenaire du projet.

Conclusion

Bien que l’avenir des industriels du secteur des biocarburants soit assez sombre du fait de la mise au ban annoncée des biocarburants 1G (issus de biomasse alimentaire), la recherche reste dynamique et propose des nouvelles solutions pour des carburants 2G et 3G, lesquels n’entrent pas en concurrence avec la production agricole. L’introduction prévue dès 2018 de l’E20 (essence contenant 20% de bioéthanol) permet par ailleurs d’assurer un horizon pour la R&D industrielle et publique dans les biocarburants.

Notes :

  1. ILUC (de l’anglais Indirect Land Use Change Impact of Biofuels). Le changement indirect dans l’affectation des sols désigne les effets induits par une activité. Dans le cas des biocarburants, les cultures destinées à leur production se substituent à des cultures alimentaires, entraînant une réduction des terres destinées à servir les besoins alimentaires, ou leur déplacement au détriment des espaces capteurs de CO2. Voir à ce sujet le rapport pour la Commission européenne « Progress in estimates of ILUC with mirage model » de l’Institut de recherche international sur la politique alimentaire (IFPRI).
  2. Estimation à partir des budgets globaux de la FNR et de ses thématiques prioritaires : l’agence répartit 80 millions d’euros pour la bioéconomie. Le chiffre exact alloué aux biocarburants n’est pas connu.
  3. Chiffre du BMEL annoncé pendant la conférence.
  4. Un photobioréacteur est un système confiné permettant la croissance de micro-algues par photosynthèse (lumière solaire ou artificielle) dans un liquide nutritif.

Pour en savoir plus :

Origine : BE Allemagne numéro 695 (20/03/2015) – ADIT – www.bulletins-electroniques.com