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Burlington, première ville des Etats-Unis 100% électricité renouvelable

La centrale biomasse de Burlington, photo Dave Parsons, US Department of Energy

La centrale biomasse de Burlington, photo Dave Parsons, US Department of Energy

Un article de Marc Théry dans sa Lettre Territoires Energéthiques de février 2015

Ce ne sont donc pas ces cités du sud ou de l’ouest des Etats-Unis, qui y travaillent de manière très démonstrative, avec leurs fortes ressources de vent et de soleil. C’est une ville du nord-est, la plus peuplée de l’état du Vermont (42 000 habitants), sur le bord du lac Champlain. Il n’y fait pas bien chaud actuellement : cela se situe au cœur de la zone touchée par les froids polaires et les chutes de neige géantes qui ont atteint l’est du Canada et le nord-est des États-Unis, avec des températures, en cette fin février, de -8°C dans la journée et jusqu’à -20°C la nuit. Le lac Champlain est gelé : on y fait du ice-boat, espèce de char à voile sur patins, et on y pèche, en creusant des trous dans la glace, ce qui donne l’occasion de parties dans des baraques installées sur la glace. L’été est beaucoup plus chaud, bien sûr, mais, été comme hiver, les éoliennes tournent et les panneaux PV produisent leur courant, quand on a dégagé la neige qui s’est déposée en abondance. Apparemment, l’hydroélectricité fonctionne encore suffisamment l’hiver, malgré le gel, parce qu’elle représente la deuxième source d’électricité de la ville (30% du besoin), principalement sur la rivière Winooski, un cours d’eau qui descend des petites montagnes environnantes, après avoir arrosé Montpelier, la capitale du Vermont, la plus petite des USA (7 000 habitants). Ceci dit, le pic de la demande d’électricité est en été, probablement à cause des climatisations, parce que, bien entendu, il n’est pas question, ici non plus, de se chauffer à l’électrique, décidément exception française, ou presque.

En fait, la démarche de Burlington Electric Department, la régie municipale de la ville ressemble à beaucoup d’autres, avec des arrangements pragmatiques « à l’américaine ». Quand, au début des années 80, il s’est agi de remplacer une vieille centrale au charbon, c’était peu après l’accident nucléaire de Three Mile Island qui fit trembler les USA pendant quelques jours, les responsables locaux prirent conscience de toute la fragilité du système électrique et du risque économique également. Ils ont alors pris la décision de recourir au bois, très abondant alentour, pour alimenter une centrale biomasse de 50 MWé, installée tout près de la ville, et qui a longtemps été la plus puissante du monde. Cette centrale a donné lieu à beaucoup de travaux de recherche sur la filière biomasse et sa puissance a été réduite de moitié, pour mieux coller à une ressource qui doit être durable. Elle fournit 45% de l’électricité consommée par la ville.

Le complément est fourni par l’éolien, et un peu par le photovoltaïque, mais on voit clairement sur les photos qu’ils ne sont pas, dans ce domaine, dans une dynamique à l’allemande, où tous les toits se couvrent de panneaux PV : quelques toitures et un parc au sol, pour une production un peu anecdotique, de l’ordre de 1%. Il est vrai que la neige est un réel problème pour les productions d’hiver, quand le ciel devient bleu, mais qu’une épaisse couche recouvre les panneaux. D’autres pays, comme l’Autriche, l’ont résolu.

Enfin, si la gestion des consommations passe par un smartgrid, il n’est pas question de stockage, et les ajustements de l’offre à la demande se font par échange avec les fournisseurs extérieurs, fossiles, voire nucléaires, portant sur environ 20% du total, ce qui est quand même fort.

Donc, un 100% renouvelable qui doit être un peu relativisé, même si globalement Burlington Electric Department produit chaque année à peu près autant d’électricité que n’en consomme la ville. Mais une démarche néanmoins typique et intéressante, fondée sur la prise de conscience des risques et fragilités physiques et économiques des énergies fossiles et fissiles, démarche qui a été acceptée par la population, qui a supporté l’effort d’investissement quand le fioul était bon marché, et qui aujourd’hui permet de réaliser, à l’échelle de cette ville, environ 1 M$ d’économies par an par rapport solutions classiques, avec de la création d’emplois locaux, du versement de taxes et un système neutre carbone.

Le bilan électrique annuel est ainsi le suivant : Bois : 160 GWh ; hydraulique : 111 GWh ; éolien : 66 GWh ; autres renouvelables (dont PV) : 3 GWh. Soit un total renouvelables de 340 GWh.
Avec des échanges de 70 GWh vendus, pour 87 GWh achetés, soit un solde négatif de 17 GWh, et donc une consommation annuelle de 355 GWh.

Marc ThéryMême les États-Unis finiront par y arriver. À quand la première ville française de cette taille 100% électricité renouvelable ?

Marc Théry

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