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L’abandon du cours plancher franc/euro, un coup dur pour la filière bois-énergie suisse

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FS-Euro webL‘annonce a été soudaine: le 15 janvier 2015, la Banque nationale suisse (BNS) a de façon inattendue abandonné le cours plancher de 1,20 franc par rapport à l’euro en vigueur depuis plus de trois années. Les opinions divergent sur le bien-fondé de la décision de la BNS ainsi que sur ses conséquences pour l’économie suisse. Mais une chose est désormais claire pour les acteurs situés en amont de la chaîne du bois: la pression de la concurrence déjà forte en provenance de la zone euro va encore être renforcée par la libération du taux de change.

Premières tentatives d‘explication

«Une fin effrayante mais logique», titrait la NZZ peu après l’annonce. Logique en ce sens que, au regard des difficultés structurelles persistantes dans la zone euro, la décision d’abandonner le «cours plancher» qualifié de temporaire aurait été encore plus coûteuse si elle avait été différée. Les analystes considèrent que, du fait de sa décision, la banque nationale a dû se résoudre à accepter 50 à 60 milliards de francs de perte pour empêcher le franc de devenir un quasi euro et revenir à une politique monétaire indépendante avec des taux de change plus flexibles. Les producteurs de bois suisses et les fabricants suisses de produits tirés du bois sont maintenant confrontés à un défi de taille.

Philipp Lüscher, pdg de Schmid Ag, gros exportateur de chaudières à bois vers l'Allemagne et l'Autriche

Philipp Lüscher, pdg de Schmid Ag, gros exportateur de chaudières à bois vers l’Allemagne et l’Autriche

Si on se place du point de vue de l’économie nationale et de la politique monétaire, la décision de la banque nationale est compréhensible, déclare Philipp Lüscher, PDG du Schmid Group. L’environnement économique est très difficile et ne peut être influencé que de façon limitée par la BNS. Au cours des années de crise écoulées, la banque a apporté un soutien efficace avec la couverture des risques de change. Selon Philipp Lüscher, la raison pour laquelle la BNS a franchi le pas précisément maintenant s’explique par le cours actuel du dollar ainsi que par le faible prix du pétrole combiné aux taux d’intérêt négatifs qui ont été relevés. Cela a offert à la BNS une occasion unique d’abandonner le cours plancher d’une façon encore relativement «maîtrisée». Mais les perspectives dans la zone euro et leurs effets futurs sur le taux de change laissent présager de gros soucis: «C’est la raison pour laquelle les opérations de couverture seront une nécessité absolue à l’avenir».

Une chaîne de valeur ajoutée sous pression

Pour les scieries, les usines à papier ainsi que pour les producteurs de matériaux tirés du bois et de granulés de bois suisses, qui avaient déjà dû, à cause du franc fort, supporter un recul spectaculaire de leur volume de production au cours des années 2010 à 2013, la décision de la BNS constitue maintenant une très mauvaise nouvelle supplémentaire. En effet, non seulement leur très forte proportion de coûts de matières premières s’exprime en francs suisses, mais cela est également vrai pour les coûts salariaux, les coûts d’électricité et de transport. Avec l’abandon du cours plancher, les coûts d’exportation sont devenus nettement plus élevés pour les clients étrangers. Selon l’association Economie forestière Suisse, différentes scieries ont, en plus des premières commandes destinées à l’export, déjà perdu des commandes en provenance de Suisse ou bien ont suspendu des commandes au motif que les recettes ne couvraient plus les coûts. «Si le franc ne retombe pas, il n’y aura plus d’industrie suisse du bois d’ici un à deux ans», craint Markus Lädrach, patron de l’entreprise OLWO.

La forêt souffre aussi

Parallèlement au recul de la production dans l’industrie du bois lié à la monnaie, la récolte de grumes a également diminué d’environ 12% entre 2009 et 2013. Cette sous-exploitation croissante de la forêt suisse aggrave le problème du vieillissement dont pâtissent la forêt protectrice ainsi que la résistance et la stabilité de la forêt, comme l’écrit le groupe de travail Bois + forêt + énergie dans son communiqué: «C’est précisément au moment où il faudrait investir beaucoup plus dans le rajeunissement de la forêt que les vendeurs de bois sont obligés de baisser les prix du bois». De ce fait, l’abattage du bois qui rajeunirait notre forêt et la préparerait mieux aux changements climatiques devient toujours moins lucratif pour les entreprises forestières. Par la suite, un recul supplémentaire de la récolte de bois ne menacerait pas seulement l’approvisionnement de l’industrie de transformation du bois mais remettrait en question l’importante contribution de l’énergie-bois à la stratégie énergétique 2050.

Prendre les bonnes mesures

Christoph Aeschbacher, directeur de Energie Bois Suisse

Christoph Aeschbacher, directeur de Energie Bois Suisse

Ceux qui pensent résoudre le problème par la conquête de nouveaux marchés en dehors de la zone euro apportent une réponse un peu courte. En effet, «la production de la matière première qu’est le bois dans la forêt de nos régions ne peut pas tout simplement être transposée à l’étranger», comme le souligne Lignum, l’organisation faîtière de l’économie des forêts et du bois. L’attention se tourne ici vers les propriétaires forestiers. Avec la révision prévue de la loi sur les forêts, la Confédération a déjà la possibilité d’investir davantage de moyens financiers au profit de l’infrastructure forestière et de faire baisser ainsi les coûts de la récolte. Il importe maintenant d’analyser la situation calmement et de façon réfléchie et d’attendre la suite des événements avant de pouvoir prendre des décisions adaptées. Mais il y a une chose que nous pouvons d’ores et déjà faire: miser avec persévérance sur la matière première nationale que constitue le bois.

Christoph Aeschbacher, directeur de Energie Bois Suisse, Zürich
+41 44 250 88 10 – www.energie-bois.chEnergie-bois Suisse