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Bientôt des OGM pour améliorer la production de biocarburant cellulosique ?

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Coloration de la lignine d'une tige de pommier, Véronique Ripetti, Laboratoire DAP Montpellier

L’objectifs des chercheurs américains : réduire la proportion de lignine dans les plantes. Ici, une coloration de la lignine d’une tige de pommier, Véronique Ripetti, Laboratoire DAP Montpellier.

Le plus rigide des polymères de la paroi des cellules végétales, la lignine, représente « un obstacle majeur » pour extraire les sucres de la biomasse végétale qui peut être utilisée pour produire des biocarburants [1]. C’est dans la perspective de dépasser cet obstacle que des généticiens de l’Université du Massachusetts et de l’UC Davis ont identifié pour la première fois les réseaux de régulation des gènes qui contrôlent l’épaississement de la paroi cellulaire par la synthèse de la cellulose, hémicellulose et lignine. Ces trois éléments clés, composants du xylème, fournissent aux plantes leur résistance mécanique et l’étanchéité nécessaire aux cellules dans lesquelles l’eau transite. La cellulose et l’hémicellulose sont des substrats précieux pour les fermentations d’intérêt, alors que la lignine, qui peut représenter jusqu’à 30% de la lignocellulose, est un déchet difficilement fermentescible. On comprend alors tout l’intérêt de contrôler l’ensemble de ces synthèses dans le but d’augmenter la teneur en cellulose et hémicellulose.

La plante modèle Arabidopsis thaliana, a servi de support pour étudier comment de nombreux facteurs de transcription interconnectés régulent l’épaississement du xylème et de la paroi cellulaire.

La mise à jour des mécanismes intracellulaires

Les chercheurs ont utilisé une approche systémique pour identifier les interactions protéine-ADN. Ils ont ainsi contrôlé plus de 460 facteurs de transcription exprimés dans le xylème des racines, afin d’explorer leur capacité à se lier aux promoteurs d’environ 50 gènes connus pour être impliqués dans les processus de synthèse des composants de la paroi cellulaire. Cette approche a révélé un réseau fortement interconnecté de plus de 240 gènes et plus de 600 interactions protéine-ADN qui n’étaient pas connus jusqu’alors.

L’équipe de recherche a également constaté que chaque gène de la paroi cellulaire du réseau de régulation du xylème est lié à une moyenne de cinq facteurs de transcription différents, issus de 35 familles distinctes de protéines régulatrices. En outre, ces nombreux facteurs de transcription sont impliqués dans un étonnamment grand nombre de boucles de régulation de type feed-forward (trois facteurs en chaîne interviennent : le premier facteur agit sur le suivant, et les deux ensembles sur un troisième [2]) qui co-régulent les gènes cibles.

En d’autres termes, à l’opposé d’une série d’interrupteurs de type « marche-arrêt » qui mène à une action ultime comme « faire de la cellulose », la plupart des protéines, y compris les régulateurs du cycle cellulaire et de la différenciation, se lient directement aux gènes de cellulose et à d’autres régulateurs de la transcription. Ces mécanismes complexes confèrent aux plantes la capacité de répondre et de s’adapter au stress environnementaux, comme le sel ou à la sécheresse, grâce au grand nombre de combinaisons possibles.

Impact attendu sur la production de biocarburants

Bien que cette étude ait permis d’identifier et de localiser l’existence de ces interactions complexes, les techniques utilisées n’ont pas permis de déterminer exactement quels types de boucles de régulation de type feed-forward étaient présentes dans le réseau de régulation du xylème.

Cependant, le travail effectué offre un cadre pour la recherche future, qui devrait permettre aux scientifiques d’identifier des façons d’intervenir sur ces réseaux et donc de concevoir des cultures plus adaptées à la production de biocarburants. En effet, comprendre comment les proportions relatives de cellulose, d’hémicellulose et de lignine sont contrôlées dans le tissu végétal ouvrirait la porte à la possibilité d’adapter certaines cultures comme matière première pour la production de biocarburants. Bien que d’autres études aient travaillé sur des méthodes alternatives pour atteindre cet objectif [3], la présente étude a fait un premier pas dans le sens de la compréhension des mécanismes qui régissent la formation des tissus végétaux, en identifiant des centaines de nouveaux régulateurs et en offrant un aperçu des mécanismes de régulation du développement de la différenciation cellulaire du xylème.

Cette avancée génétique va donc servir de base pour comprendre la régulation d’un composant complexe et important de la plante et d’outil pour les futurs chercheurs, dans l’objectif de faciliter la manipulation des processus de formation des polymères pour améliorer l’efficacité de la production de biocarburants.

La recherche sur les biocarburants est active aux Etats-Unis : ne serait-ce qu’au niveau de la National Science Foundation (NSF), dans le cadre du programme Energy for Sustainability, près de 66 millions de dollars ont été alloués depuis 2009 à 198 bourses de recherche dans le domaine, soit plus de 330.000 dollars par bourse [4]. Le Department of Energy (DoE), de son côté, contribue également substantiellement [5]. La présente étude a été co-financée par le NSF et le DoE.

Sources :

– [1] Etude – Etude prospective sur la seconde génération de biocarburants – Alba DEPARTE – Direction Générale du Trésor – Septembre 2010
– [2] Support de cours – Réseaux biologiques et détection de motifs – Algorithmes sur les arbres et les graphes en bioinformatique – Alessandra Carbone – Université Pierre et Marie Curie
– [3] Article – Des chercheurs conçoivent des arbres pour une production plus facile du papier et des biocarburants – Mathieu Leporini – Bulletins électroniques – Avril 2014
– [4] Présentation – Energy for Sustainability Program – NSF
– [5] Facts Shhet – Funding Highlights – Deparment oF Energy

Origine : BE Etats-Unis numéro 389 (16/01/2015) – ADIT – www.bulletins-electroniques.com