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2014, la bataille des électrons, fossiles contre renouvelables

Editorial du Bioénergie International n°28 de décembre 2013

Réseau électrique français, photo Frédéric Douard

Réseau électrique français, photo Frédéric Douard

A la veille de la réévaluation des dispositifs d’aide aux énergies renouvelables en Europe, pour la période 2014-2020, soyons attentifs, en cette fin d’année 2013, à la pièce qui se joue au sommet de l’Union européenne, et en particulier sur l’opportunité de réduire, voire de supprimer les aides à certaines énergies renouvelables.

Vendredi 11 octobre 2013(1), dix grands groupes énergétiques européens, en fronde commune depuis le mois de mai sous la houlette de Gérard Mestrallet, pdg de GDF-Suez, ont demandé à la Commission européenne l’arrêt des aides à l’électricité renouvelable intermittente (solaire et éolien) et réclament en même temps des aides pour financer des centrales à gaz, qui, selon eux, sont nécessaires pour surmonter les pics de consommation hivernaux. Ils demandent également la mise en place d’un système de rémunération des centrales électriques fossiles lorsqu’elles ne fonctionnent pas. Enfin, ces électriciens se plaignent que les subventions excessives à l’éolien et au solaire, rendent leurs centrales thermiques fossiles moins rentables (Je pensais pourtant que le but était de réduire les émissions de gaz à effet de serre).

Le 5 novembre 2013(2), en préambule de la réforme de 2014, la Commission européenne préconise le soutien aux centrales thermiques pour pallier le manque de vent ou de soleil et pose plusieurs principes pour les aides aux renouvelables, comme le fait que les technologies doivent être progressivement exposées aux prix du marché et qu’en définitive, le soutien devra fatalement être totalement supprimé…

Certes, nous sommes parfaitement d’accord sur le fait que l’excès d’aides n’est pas supportable par la société et qu’il faille toujours rechercher les solutions qui offrent les meilleurs rendements techniques et donc économiques, et ne nécessitent que des financements juste nécessaires pour assurer le lancement des technologies. Mais ici, ce qui est proposé, cette hâte à vouloir gripper le processus de lancement des renouvelables, reviendrait à renoncer à la politique de lutte contre le changement climatique et à continuer comme avant. Pourtant des études sérieuses(3) montrent que les énergies renouvelables deviendront moins chères que les fossiles à terme, si l’on continue à agir et que l’on sait être persévérant ; les filières fossiles ou fissiles non-plus ne se sont pas faites en seulement 20 ans !

Alors fondamentalement demandons-nous dès aujourd’hui pourquoi tant d’acharnement à vouloir réduire l’effort de mise en place des énergies renouvelables ? Qu’y a-t-il de fondamentalement si gênant dans les énergies renouvelables pour que l’industrie énergétique actuelle veuille s’en séparer plutôt que de s’en emparer ? Et bien, leur caractères renouvelables mais surtout diffus et décentralisé sont un véritable cauchemar pour des organisations pyramidales dont le rêve suprême est de régner seules sur leur marché.

À l’opposé, du point de vue des populations de par le Monde, du point de vue de la démocratie, les énergies renouvelables ne seraient-elles pas au contraire un vecteur de liberté et d’autonomie, affranchissant les populations du manque actuel d’alternatives, un moyen de recouvrer la force de choisir et d’agir. Car il faut de l’énergie pour agir, se nourrir, pour étudier, pour se développer et tout simplement pour vivre librement. Les énergies renouvelables sont faciles à produire, accessibles partout. Elles permettent une grande diversité des solutions techniques et une libre concurrence accrue qui limite la spéculation sur les stocks. Elles empruntent des circuits courts, économes, évitent l’empilement des intermédiaires et sont donc socialement plus durables. Elles limitent la dépendance économique voire même politique à l’énergie (Voir le cas de l’Ukraine par exemple en ce moment).

Alors, si faciles à produire par n’importe qui, n’importe où, leur succès entrainerait à terme une désaffection pour les énergies fossiles concentrées et un affaiblissement des monopoles énergétiques au profit d’une atomisation du nombre de producteurs. Alors, je comprends les craintes de nos 10 électriciens.

Frédéric Douard

Notes

  1. UE- Dix énergéticiens veulent l’arrêt des aides aux renouvelables
  2. Commission européenne : des orientations pour l’intervention publique dans le secteur de l’électricité
  3. Les énergies renouvelables moins chères que les combustibles fossiles à l’horizon 2050

1 réponse
  1. 7 février 2014

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