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Impacts de la production de bioénergie sur les populations rurales des pays du Sud

Association de plants de pourghère et potagers au Burkina Faso, photo S. Audouin, Cirad

Association de plants de pourghère et potagers au Burkina Faso, photo S. Audouin, Cirad

Dans les pays du Sud, la valorisation locale de la biomasse en énergie est considérée comme un facteur de développement et un moyen de lutte contre la pauvreté, en particulier dans les zones rurales. Les impacts potentiels de ces nouveaux systèmes énergétiques locaux sur les conditions de vie des populations sont susceptibles d’orienter les trajectoires d’innovations de ce secteur. Pour contribuer à cette synergie, le Cirad a lancé un programme de recherche pluridisciplinaire et interinstitutionnel à Madagascar, au Burkina Faso, en Amazonie brésilienne et au Mali. Ses résultats, contrastés, mettent en avant l’importance de la gestion des installations et de l’approvisionnement dans la réussite de ces systèmes de production d’énergie.

Depuis une vingtaine d’années, l’utilisation de la biomasse à des fins énergétiques est devenue un enjeu majeur pour les pays du Sud comme pour ceux du Nord. L’augmentation de la demande en bois-énergie et en biocarburants (éthanol, huile végétale brute ou biodiesel), ainsi que l’arrivée de nouveaux acteurs, politiques, industriels et financiers, sur ces marchés agroénergétiques suscitent de nombreux débats.

Les pays africains voient dans ces nouvelles sources d’énergie un moyen d’alléger leur facture pétrolière, de développer des filières créatrices de revenus dans les secteurs agricole et industriel et d’accroître l’accès à l’énergie en milieu rural.

Les circuits bioénergétiques locaux, où toute la chaîne de production, transformation et consommation de la biomasse-énergie est assurée l’échelle locale, apparaissent comme une opportunité pour favoriser le développement économique et lutter contre la pauvreté en milieu rural.

Afin d’analyser l’impact de ces systèmes énergétiques locaux sur les conditions de vie des populations rurales du Sud, le Cirad a lancé, en 2009, un programme de recherche pluridisciplinaire. Une vingtaine de chercheurs, mais aussi des étudiants et des doctorants, se sont intéressés aux relations entre énergie et conditions de vie, à Madagascar, au Burkina Faso, en Amazonie brésilienne et au Mali.

Décorticage de graines de pourghère au Burkina Fasoural, photo L. Gazull, Cirad

Décorticage de graines de pourghère au Burkina Fasoural, photo L. Gazull, Cirad

Une grille d’analyse originale

Sur le plan méthodologique, les chercheurs ont élaboré une grille d’analyse originale, qui permet d’évaluer les effets de l’ensemble de la chaîne de production, de transformation, de diffusion et de consommation des bioénergies sur les conditions de vie.

L’originalité de cette grille tient à l’approche par filière du système énergétique local et de ses effets potentiels, à la distinction entre les dimensions individuelles et collectives des conditions de vie et aux composantes des conditions de vie susceptibles d’être affectées.

Gérer les installations et l’approvisionnement

Grâce à cette grille d’analyse appliquée au cas de ces quatre pays, les chercheurs ont pu dégager les éléments déterminants de leurs systèmes énergétiques. En premier lieu, il apparaît que la possibilité pour les populations rurales de tirer parti des biomasses dépend principalement de leur capacité à s’organiser pour gérer les installations de production énergétique (centrales électriques, unités de pressage) et pour en assurer l’approvisionnement durable.

Les premières formes communautaires mises en place en Amazonie et au Burkina Faso ont, par exemple, été un échec. Au Mali et à Madagascar, le recours à un opérateur privé pour assurer la transformation et la diffusion de l’énergie semble plus structurant.

En second lieu, ces systèmes énergétiques modifient le regard que les consommateurs portent sur l’énergie. L’analyse a, par exemple, mis en évidence que la perspective d’une production énergétique locale semblait stimuler la demande en huile végétale brute, comme celle de Jatropha, par rapport au diesel.

Une énergie moins chère

Enfin, lorsqu’ils fonctionnent, et bien qu’il soit encore difficile de généraliser, les systèmes énergétiques locaux permettent de produire une énergie à des coûts moindres que les systèmes classiques.

En Amazonie et à Madagascar, les centrales électriques à biomasse fournissent une électricité à un coût pratiquement réduit de moitié. Pour autant, le nombre de bénéficiaires n’est pas plus important, car les opérateurs électriques locaux ne peuvent faire face aux investissements que nécessiteraient une extension du réseau et le passage à la moyenne tension.

Il est indéniable que les crises énergétiques et climatiques amènent à repenser la localisation et les modes de production énergétiques. En Afrique comme en Europe, les systèmes bioénergétiques locaux sont en pleine expansion.

Cirad

Néanmoins, de nombreuses interrogations subsistent sur la capacité de ces systèmes à fournir une énergie en quantité suffisante et à moindre coût pour promouvoir un développement économique et pour améliorer durablement et équitablement les conditions de vie de l’ensemble des populations rurales.

Contact : Laurent Gazull