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Biogaz agricole, quels leviers pour accompagner la croissance de la filière ?

Unité de méthanisation de Touvois, photo Chambre d'agriculture de Loire Atlantique

La méthanisation pratiquée au niveau agricole permet, outre la production d’énergie, d’augmenter les revenus des agriculteurs, d’optimiser l’utilisation de l’azote et également d’apporter une solution au traitement des déchets organiques. Ces nombreux avantages ont d’ailleurs été identifiés par les pouvoirs publics qui viennent de lancer le plan Energie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA). Son principal objectif est de soutenir la filière Agricole et d’atteindre 1000 méthaniseurs en 2020.

Bien qu’en pleine croissance depuis 2006, la filière est encore petite comparée à l’Allemagne qui compte 5000 unités contre seulement 105 en France fin 2012. Quelles sont les caractéristiques de développement de la filière française et quels sont les freins qui restent encore à lever afin de faciliter le développement de ses projets ?

La méthanisation agricole est en pleine croissance

La croissance de la filière agricole s’est amorcée en 2006, entraînée par la mise en place d’un cadre réglementaire incitatif (Lire aussi « Le développement de la filière est rythmé par une règlementation plus structurée et incitative »). Avec un taux de croissance du nombre d’unités de plus de 90% depuis 2010, ce développement se poursuit à un rythme soutenu et le seuil des 100 unités a été franchi en 2012. Jusqu’à présent, les agriculteurs ont largement privilégié la cogénération afin de maximiser leurs revenus. En effet, ce mode de valorisation permet de bénéficier de tarifs de rachat de l’électricité élevés (primes à l’efficacité) tout en produisant de la chaleur qui est en général auto-consommée (locaux de l’installation agricole, eau chaude, entretien de la réaction de méthanisation). L’autorisation en 2011 d’injecter le biométhane sur les réseaux a cependant créé une nouvelle opportunité de valorisation du biogaz.Actuellement, une seule unité de méthanisation agricole est déjà raccordée mais plusieurs centaines de projets sont étudiés par les gestionnaires de réseaux. Les premiers retours d’expérience, d’ici 2 ou 3 ans, devraient ainsi permettre le développement de ce mode de valorisation dans la filière Agricole.

Les projets sont développés « à la ferme » ou de manière « centralisée »

En fonction de la quantité d’intrants disponible, les agriculteurs peuvent développer leur projet à l’échelle de leur exploitation, les projets sont alors dits « à la ferme ». A l’inverse, on parle de projets « centralisés » lorsqu’ils sont portés par un groupement d’agriculteurs ou une coopérative. Les unités « à la ferme » sont caractérisées par leur capacité relativement faible (140 kW en moyenne) et une source unique de déchets. A l’inverse, les projets « centralisés » sont multi-intrants et collectifs. Les déchets de différentes exploitations agricoles sont collectés puis transportés sur l’unité de méthanisation. Bien que de taille plus importante (570 kW en moyenne), les projets centralisés gardent toujours une dimension locale car l’augmentation des coûts de collecte et de transport des intrants impacte rapidement la rentabilité de l’installation. Fin 2012,seuls 15 projets centralisés avaient déjà vu le jour,assurant la moitié de la production du biogaz de la filière agricole.

Les projets centralisés cumulent plusieurs avantages

Le regroupement de plusieurs agriculteurs au sein d’un même projet permet de sécuriser les flux d’intrants en diminuant la variabilité saisonnière de la production de déchets. D’autre part, la plus grande flexibilité sur le lieu d’installation de l’unité permet de mieux profiter des opportunités locales de valorisation : réseaux de gaz ou de chaleur, besoin spécifique en chaleur (piscine, locaux industriels). Ainsi, un optimum est à trouver entre les avantages cités ci-dessus, les couts de collecte, les économies d’échelle et la dégressivité des tarifs de rachats de l’électricité qui privilégie les projets de petites tailles. Les projets centralisés de taille moyenne (entre 300 et 500 kWe) sont actuellement ceux qui présentent les rentabilités les plus intéressantes.

Bien que la filière soit en forte croissance, les projets rencontrent encore certains obstacles. 5 ans s’écoulent en moyenne jusqu’à la livraison des unités contre 3 ans en Allemagne, conséquences des difficultés rencontrées tout au long des différentes phases de la vie des projets illustrées dans le schéma ci-dessous.

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Les différents acteurs intervenant dans ces projets, qu’ils soient industriels, institutionnels ou agriculteurs peuvent disposer de plusieurs leviers d’actions

Les agriculteurs ont la possibilité de faire appel à une entreprise qui assure, à leurs côtés, la gestion et le suivi de l’ensemble des phases du projet. L’expertise de ces entreprises spécialistes du secteur permet de faciliter le déroulement du projet, en particulier au niveau des phases d’études et de montage financier. Ces offres, appelées « clés en main », sont de plus en plus privilégiées. Conjointement, on assiste depuis 2011 à une restructuration du secteur qui conduit ces entreprises à se positionner sur l’ensemble de la chaîne de valeur des projets afin d’offrir ce type d’offres.

Les banques sont encore parfois hésitantes à s’impliquer dans les plus petits projets. Le regroupement de plusieurs agriculteurs au sein de projets plus importants permet de fournir les garanties et les apports en fonds propres nécessaires pour débloquer les prêts. Bien qu’encore moins nombreux que les unités à la ferme, les projets centralisés devraient très certainement être privilégiés, d’autant qu’ils bénéficieront du soutien du plan EMAA qui cherche à renforcer la coopération entre les agriculteurs au sujet de la méthanisation.

Les pouvoirs publics disposent également de plusieurs leviers pour faciliter le déroulement des projets. La création de la BPI en 2013 qui reprend les activités d’Oséo, du FSI, du FSI Régions et de la CdC Entreprises devrait être suivie d’actions concrètes telles que la mise en place d’un guichet unique au niveau local qui pourraient réduire les délais d’obtention des subventions ou autres aides, facilitant ainsi l’étape du montage financier.

Les objectifs ambitieux du plan EMAA nécessitent la création de 130 nouveaux projets par an, soit une forte accélération par rapport au rythme actuel (+50 projets en 2012). La levée progressive des différents freins au bon déroulement de ces projets pourrait justement y contribuer. Cela permettrait également une meilleure appréhension de ce secteur complexe (Lire aussi « 5 filières affichant un développement hétérogène et des perspectives de croissance différentes») aux yeux des acteurs extérieurs et notamment financiers.

C. de Lorgeril, F. Magnier, B. Hallo
Cet article s’inscrit dans le cadre d’un dossier presse portant sur les filières biogaz, méthanisation et biométhane. Parallèlement, SiaPartners a développé une offre sur ces thématiques.