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La taxe carbone, moyen d’action collective pour la transition énergétique

Forêt de Retz dans l'Aisne, photo URCPIE Picardie

Alors que les objectifs économiques, sociaux et environnementaux sont parfois difficiles à concilier, la taxe carbone propose un moyen d’action collective pour soutenir les transformations imposées par le changement climatique.

La taxe carbone comme réponse à l’urgence d’agir

Face au consensus scientifique très large concernant le changement climatique en cours, force est de constater que notre modèle énergétique né de la révolution industrielle ne fonctionne plus. Il s’agit de faire face à deux tendances majeures : d’une part la raréfaction des ressources, d’autre part l’augmentation de la consommation. Ainsi, la transition énergétique est aujourd’hui au cœur des débats et tient lieu de passage d’une économie reposant à plus de 80% sur les énergies fossiles à une société dite « post-carbone » dans-laquelle les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de moitié d’ici à 2050 afin de prévenir un changement climatique dangereux – selon le GIEC. Puisque nous avons affaire à un phénomène global, la réponse à l’urgence climatique doit être collective, s’efforçant de changer les comportements de chacun à l’aide de moyens certes techniques mais aussi financiers.
Dans ce contexte, la fiscalité écologique est un outil clé. Permettant d’internaliser les externalités négatives engendrées par les activités, elle a l’atout d’intégrer un signal-prix susceptible d’orienter les comportements et les investissements vers une consommation plus responsable. Alors que la France reste en retard en matière de fiscalité environnementale (figure ci-dessous), la décision du gouvernement de faire de la transition énergétique un « projet de société » montre la volonté d’agir et de donner sa place au citoyen dans le débat.

La controversée taxe carbone est ainsi revenue au cœur des discussions depuis septembre 2012. Déjà en place dans plusieurs pays européens, elle s’est révélée être un moyen d’action publique efficace notamment en Suède.

Part de la fiscalité écologique dans les prélèvements obligatoires en Europe – Eurostat

Un outil efficace responsabilisant le consommateur

La taxe carbone repose sur le principe du pollueur-payeur. Il s’agit de faire payer tous les agents économiques (entreprises, administrations, ménages) x euros pour chaque tonne de CO2 émise du fait de leur production ou de leur consommation d’énergie. Le choix du taux de départ est déterminant pour garantir l’efficacité de la taxe. Une première idée serait de se référer au prix du marché, à partir du marché des quotas d’émissions CO2 mais, tombé à un niveau historiquement bas le 24 janvier dernier (2,81€/t), celui-ci ne reflète pas le vrai coût du carbone. Une analyse coût-efficacité est alors préférable. Elle repose sur des modèles énergétiques qui présentent des incertitudes mais elle est considérée comme fournissant un signal-prix cohérent. Ainsi un coût de départ de 49€ par tonne émise permettrait à la France de réduire ses émissions de 20% d’ici 2020. L’augmentation progressive et programmée de la taxe est une autre condition de son efficacité. En effet, le consommateur, averti de la progression du prix des émissions a ainsi le temps de faire son choix et de se tourner vers des solutions décarbonées. Les travaux du comité Trajectoires, ont mis en évidence les niveaux de prix en cohérence avec différents objectifs de réduction et les recettes engendrées. Les revenus présentés sur la figure ci-dessous augmentent progressivement avant de décroître : la hausse du taux entraîne une réduction des émissions donc de l’assiette de la taxe et par conséquent des recettes. La taxe montre son efficacité : le consommateur a pris conscience de l’avantage de s’orienter vers une sobriété et une efficacité énergétiques.

Evolution des prix et des revenus de la taxe carbone – Travaux du Comité Trajectoires

Ainsi, en responsabilisant l’ensemble des consommateurs, la taxe est un outil efficace pour agir collectivement en faveur de la réduction des émissions de CO2. Elle reste cependant souvent critiquée et difficilement acceptée.

Rendre la taxe acceptable, un challenge à la portée des gouvernements

Dans un pays tel que la France où la fiscalité est très importante, la taxe carbone ne manque pas d’être critiquée et nous avons pu constater l’échec de sa mise en place en 2009-2010. Il est vrai qu’en augmentant le prix des produits carbonés, elle affecte le pouvoir d’achat des ménages et la structure de coûts des entreprises. La taxe aurait alors un effet récessif sur l’économie et injuste pour les plus précaires. Dans un contexte économique difficile, comment faire de la taxe un instrument juste et acceptable ?
L’enjeu n’est pas des moindres et la réponse se situe dans la redistribution des revenus générés par la taxe.
Prévoir une compensation ciblée et différenciée selon les niveaux de revenus des ménages est incontournable. Quant aux entreprises, diminuer les charges sur le travail permettrait de compenser la taxe et de freiner les délocalisations.
Mais n’oublions pas que la taxe carbone se veut de répondre à un objectif environnemental tout en préservant la compétitivité. Les revenus n’ont alors pas vocation à consolider les finances publiques mais à financer la transition énergétique en soutenant les changements technologiques requis. La taxe doit être considérée comme une opportunité pour les entreprises et le gouvernement. Une étude réalisée par le comité Trajectoires montre l’impact bénéfique sur la croissance et l’emploi d’une redistribution des revenus sous forme de subventions auprès des entreprises et des ménages, et de fonds d’investissement pour la RD. La taxe carbone peut alors atteindre un triple objectif environnemental, économique et social en étant intégrée dans la fiscalité nationale.

Subtile à mettre en place, la taxe carbone doit être considérée comme un repère économique voué à responsabiliser le consommateur. Elle est l’impulsion faisant de chacun un acteur de la transition énergétique.

Caroline BOUCQ

SOURCES

  • La taxe carbone, outil de la fiscalité écologique, Le Monde, Jean-Paul Chanteguet, député socialiste de l’Indre et président de la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale, 18 octobre 2012
  • Document de travail n°34, Opportunités et coûts potentiels d’une fiscalité environnementale, Coe-Rexecode, Institut d’études économiques, septembre 2012
  • De l’urgence d’une politique climatique, Sciences Humaines, n° 49, HS sur les enjeux sociaux de l’environnement, juillet-août, pp. 18-23, P. Criqui, 2005
  • Conférence environnementale, Feuille de route pour la transition écologique, septembre 2012
  • « La taxe carbone est favorable à la relocalisation de l’emploi », propos de David Martin recueillis par Benjamin Neumann, L’Expansion, 2 juin 2010

Cet article de Caroline BOUCQ a obtenu le dixième prix au Concours étudiant sur le thème de la transition énergétique, organisé par Sia Partners, L’Expansion et RTE.

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