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La Commission va-t-elle sacrifier les biocarburants européens ?

L’asbl ValBiom, qui soutient le développement durable et harmonieux des filières de valorisation non-alimentaire de la biomasse, s’inquiète du changement de cap proposé par la Commission européenne en matière de biocarburants. Le 17 octobre 2012, celle-ci a en effet publié une proposition d’amendement de la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (COM(2012) 595 final).

La directive 2009/28/CE fixe un objectif contraignant d’une part de 10% d’énergie renouvelable dans le secteur du transport en 2020, tout en définissant des critères de durabilité pour les agrocarburants. La proposition d’amendement a pour but de renforcer ces critères de durabilité et d’encourager la transition des agrocarburants vers les biocarburants avancés. Ces derniers présentent en effet le double avantage d’assurer des réductions importantes d’émissions de gaz à effet de serre et de réduire la demande supplémentaire de terres agricoles. Cependant, il est encore difficile de savoir si ces biocarburants avancés seront suffisamment développés au niveau industriel d’ici 2020. Selon les analystes, il faudra encore attendre minimum 5 à 10 ans avant que des volumes significatifs de biocarburants avancés ne puissent être produits en Europe. Or, 2020, c’est déjà demain …

Clés de la proposition d’amendement

Pour favoriser le développement des biocarburants avancés, la Commission européenne propose :

  • De plafonner la contribution des biocarburants conventionnels à 5% de la consommation finale d’énergie dans le secteur des transports en 2020 tout en maintenant l’objectif de 10% d’énergie renouvelable dans le transport ;
  • De ne plus subventionner les biocarburants conventionnels à partir de 2020 ;
  • D’inclure un facteur multiplicatif (x4) pour les biocarburants produits à partir de déchets et de résidus tout en maintenant la double contribution pour les biocarburants produits à partir de matières lignocellulosiques.

Pour renforcer les contraintes de durabilité imposées aux biocarburants, la Commission européenne propose :

  • D’imposer aux nouvelles installations l’amélioration de leurs performances environnementales afin de bénéficier des aides publiques, en atteignant 60% de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à partir de 2014 au lieu de 35% jusqu’en 2017 et de 50% postérieurement tels que prévus dans la directive 2009/28/CE ;
  • De prendre en compte les changements indirects d’affectation des sols (ILUC4) dans le bilan des émissions de gaz à effet de serre des Etats membres, à travers l’attribution d’un coefficient CO2 par groupes de matières premières ;
  • De réexaminer ce modèle ILUC en 2017.

Selon, ValBiom, cette proposition d’amendement de la Commission européenne  traduit le manque de profondeur de la stratégie énergétique européenne, influençant la confiance des investisseurs et créant une grande confusion pour les acteurs de la filière et le public en général. Le changement du cadre législatif 3 ans seulement après la publication de la directive 2009/28/CE constitue un signal négatif qui risque de fragiliser le secteur des biocarburants et la confiance des investisseurs face aux hésitations de l’Europe et à l’absence de réelle protection des investissements. De plus, les installations de première génération actuelles, désormais surdimensionnées car prévues avant le plafond des 5%, seront mises en difficulté. Elles devront dès lors soit diminuer leurs volumes de production, soit trouver de nouveaux marchés, soit déplacer leurs volumes excédentaires vers d’autres secteurs comme celui des biomatériaux. Cette concurrence accrue résultant du surdimensionnement des installations pourrait influencer le prix des biocarburants pour le consommateur final.

Par ailleurs  étant donné que 40% à 60% des coproduits des biocarburants actuels sont valorisés dans l’alimentation animale, leur réduction entraînera une augmentation des importations européennes de denrées pour ce secteur, ce qui pourrait également engendrer des changements indirects d’affectation des sols dans les pays tiers.

La proposition de la Commission européenne pourrait également engendrer d’autres résultats indésirables. Par exemple, l’augmentation des importations pour l’alimentation animale ou la comptabilisation multiple des biocarburants avancés pourraient créer des changements d’affectation des sols dans des marchés qui ne sont pas soumis à des critères de durabilité.

L’on pourra aussi logiquement se demander quelles seront les conclusions du processus de réexamen en 2017 et quel sera le nouvel objectif pour le transport après 2020 ? Or, il semble impératif d’une part de rassurer les investisseurs et les exploitants d’unités de production de la première génération et d’autre part de leur permettre de dégager des bénéfices qu’ils réinvestiront dans le développement industriel de la deuxième génération. Cette nouvelle filière ne pourra se développer à l’échelle industrielle que dans le cadre d’une politique cohérente et du soutien confirmé aux biocarburants de première génération.

ValBiom se demande enfin, si dans un contexte où on veut limiter la pression engendrée sur les systèmes agraires, on est également en droit de se demander pourquoi l’Union européenne, dans le cadre de la réforme de la PAC (Politique Agricole Commune), veut imposer le « verdissement » en retirant 7% de la superficie des terres arables.