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La production de biocarburants à partir de panic (switchgrass) et de bactéries progresse

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Études sur le panic érigé par le JBEI, U.S. Department of Energy Genomic Science program, genomicscience.energy.gov

La croissance de la demande mondiale en énergie de 35% d’ici 2035 amène le gouvernement américain à investir près de 510 millions de dollars, sur trois ans, dans le financement de projets relatifs aux recherches sur les biocarburants aux Etats-Unis. Cet investissement sera réalisé par les différents départements ministériels dont le département américain de l’agriculture (USDA), le département de l’énergie (DOE) ainsi que par les agences fédérales et la Marine américaine.

Ces cultures de biomasse destinées à un usage non alimentaire, couplées à la valorisation des déchets agricoles semblent être, à ce jour, des voies optimales pour le développement d’une source de biocarburants à la fois économique, évolutive et moins polluante. Actuellement, une grande majorité des travaux de recherche sont tournés vers l’exploitation du switchgrass (ou panic érigé), plante vivace rhizomateuse, très rustique, et adaptée à de nombreux sols (comme les sols marginaux) et à divers climats. La culture de cette plante serait plus respectueuse de l’environnement que les autres sources végétales utilisées pour la production de biocarburants, et moins coûteuse en énergie.

La digestion du panic par une souche d’Escherichia Coli modifiée génétiquement
Les chercheurs du « Joint BioEnergy Institute » (JBEI) ont travaillé sur le développement d’un biocarburant, à faible coût, permettant de remplacer l’essence, le diesel et le carburant des réacteurs d’aéronefs par un biocarburant propre, écologique et produit à partir d’une source d’énergie renouvelable.

Cette recherche, intitulée « Synthesis of three advanced biofuels from ionic liquid-pretreated switchgrass using engineered Escherichia coli », a été menée par Jay Keasling, directeur du JBEI, et publiée au Proceedings of National Academy of Sciences le 2 novembre 2011. Ces travaux sur la transformation de la biomasse du panic en biocarburant ont été financés par le DOE et l’Université de Californie dans le cadre de leur programme Discovery Grant.

Les tissus du panic sont composés de sucres complexes qui sont plus difficiles à extraire que dans le cas du maïs, principalement à cause de la lignine présente dans les parois cellulaires. Afin de réaliser cette transformation, l’équipe a développé une souche d’E. Coli capable de digérer la biomasse du panic en sucres qui seront ensuite transformés dans une seconde phase en biocarburant. Ce procédé a permis de faciliter deux étapes importantes du processus : la dépolymérisation de la cellulose et de l’hémicellulose par les enzymes cellulase et l’hémicellulase pour obtenir des oligosaccharides, qui sont ensuite hydrolysés par les enzymes ß-glucosidase en monosaccharides qui pourront être métabolisés en biocarburants.

La nouvelle souche d’E. Coli, nommée E. Coli MG1655, est capable de synthétiser un grand nombre de composés chimiques à partir des sucres : l’hydrogène, les alcools, les acides gras et les terpènes. Avec cette souche d’E. Coli génétiquement manipulée, la synthèse des sucres ne nécessite pas d’ajout d’enzymes, contrairement aux procédés actuels de production des biocarburants. Ceci permettra de réduire les coûts de production car les enzymes représentent la deuxième source de dépense dans le processus de fabrication, après la matière première elle-même.

Afin d’optimiser la dégradation des sucres par la bactérie E. Coli transformée, il faut cependant réaliser au préalable un pré-traitement de la biomasse avec un liquide ionique, tel que du sel fondu, pour rompre la lignine. L’étude et l’optimisation de ce pré-traitement ont été réalisées par Grégory Bokinsky, un chercheur post-doctorant travaillant avec le groupe de synthèse biologique du JBEI.

Avec les souches existantes d’E. Coli, la croissance de la bactérie sur un substrat constitué de switchgrass n’était pas possible. Désormais, la souche d’E. Coli modifiée a la capacité de digérer la cellulose, l’hémicellulose ou les deux composés, et de se multiplier dans ce type de milieu.

Il s’agit de la première souche d’E. Coli modifiée permettant de produire à la fois de l’essence, du diesel et du carburant pour réacteur à partir du panic. Selon les scientifiques, ces travaux de recherche pourraient être transposés à d’autres micro-organismes, ce qui permettrait d’étendre la gamme disponible pour une transformation optimale de différentes sources de biomasses en biocarburants.

Le pré-traitement du switchgrass pour augmenter le rendement en biocarburant
Michael Ladisch, professeur en génie agricole et biologique, et Youngmi Kim de l’université de Purdue, ont comparé les caractéristiques agricoles et intrinsèques de plants de panic selon le lieu de culture, la période de récolte et l’application d’un prétraitement, ou non, lors de la transformation en biocarburant. Cette étude, financée par le DOE, a été publiée dans le journal Bioresource Technology en juin 2011.

L’étude a révélé qu’afin d’obtenir plus de cellulose disponible pour la transformation en éthanol, il fallait appliquer un pré-traitement au panic afin de rompre la lignine. Ce pré-traitement est d’autant plus important sur le switchgrass récolté au printemps car il contient plus de cellulose et de lignine. Ce pré-traitement, consistant en une simple cuisson de 10 minutes dans une eau portée à 160-190°C, permettrait de passer d’un rendement de 10% de cellulose disponible à un pourcentage de 90%. Cette « cuisson » faciliterait l’accès aux sucres et permettrait d’optimiser leur dégradation par les enzymes.

La production d’éthanol, sans pré-traitement, est de l’ordre de 1 600 à 2 700 litres par hectare par an alors, qu’avec le pré-traitement, la production pourrait atteindre les 8 600 à 10 900 litres par hectare par an. En comparaison, la production d’éthanol à partir de maïs est de 5 400 à 6 400 litres par hectare par an.

Base de données de l’ADN de switchgrass
Le service de recherche agricole américain (ARS) a étudié les marqueurs génétiques du panic afin d’optimiser ses caractéristiques. Près de 238 plantes différentes ont été identifiées, et leur ADN est en cours de comparaison avec d’autres plantes dont le génome est mieux compris tel que le riz ou le sorgho. Ceci permettra d’identifier de gènes similaires liés à des traits spécifiques de culture (rendement agricole, constituants des parois cellulaires) et donc de développer une espèce optimale pour la production de biocarburants.

Cette étude est subventionnée par le DOE ainsi que l’USDA dans leur programme commun sur le génome des matières premières végétales pour la production de biocarburants (USDA-DOE Plant Feedstock Genomics for Bioenergy program).

Les études se poursuivent
De nombreuses institutions et agences s’impliquent dans le développement de nouvelles sources de biocarburants. Selon les objectifs fixés dans le cadre du « Renewable Fuels Standard « (RFS2), 70 milliards de litres de biocarburants, utilisés dans les transports nationaux d’ici 2022, devraient provenir de sources cellulosiques. Une étude publiée le 13 décembre dernier, au « GCB Bioenergy », confirme la viabilité du panic pour produire du biocarburant car il permettrait également de diminuer les émissions de carbone comparativement aux autres sources d’énergies renouvelables.

Tina Jeoh, assistante-professeure au département de biologie et d’agriculture de l’université de Californie à Davis, effectue actuellement des travaux de recherche, avec son équipe, sur le mécanisme de déstructuration des parois cellulaires végétales par les enzymes microbiennes afin de libérer les sucres pouvant être convertis en biocarburants ou autres produits dérivés. Pour réaliser ses travaux, Tina Jeoh a reçu, en avril dernier, une subvention de 400.000 dollars sur cinq ans de la NSF (« National Science Foundation »).

L’objectif global du « Renewable Fuels Standard » (RFS2) est de produire, aux Etats-Unis, 158 milliards de litres de biocarburants en 2022. La principale source de production restera néanmoins l’éthanol produit à partir de maïs (42%). Les autres sources d’éthanol, de seconde et troisième générations, devraient être principalement le panic mais également le soja, la cameline, le colza, la Brassica Juncea (moutarde brune), les algues, le jatropha, les arachides. Toutes ces sources sont à l’étude actuellement pour évaluer leur viabilité en tant que sources de biocarburants (coût de production, utilisation, …).

Origine : BE Etats-Unis numéro 272 (6/01/2012) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/68706.htm