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Vers un affinage de la politique européenne en faveur des agrocarburants

Récolte de colza, photo Class

Les organisations écologistes se sont réjouies fin octobre à la parution de l’étude commandée par la Commission européenne sur la prise en compte du changement d’affectation des sols indirect dû aux agrocarburants en Europe. Ce document de l’IFPRI, qui doit servir de base aux propositions législatives de la Commission européenne, invite en effet à revoir les conditions du développement des agrocarburants, une revendication clamée depuis des années par ces organisations.

Par exemple, pour Jérôme Frignet de Greenpeace : « Le détournement d’une part croissante de la production d’huile végétale mondiale en direction des agrocarburants entraîne une pression supplémentaire sur les forêts tropicales ; ce sont principalement les huiles de palme et de soja, moteurs de déforestation, qui répondent à l’augmentation de la demande induite ».

Les conclusions de l’IFPRI tombent juste après la réunion du Conseil sur la Sécurité alimentaire mondiale, qui s’est tenue à Rome, et dont le comité d’experts recommande l’abandon des objectifs obligatoires d’incorporation d’agrocarburants.

Il est clair qu’au delà même de la « renouvelabilité » plus ou moins partielle des biocarburants, des règles doivent prendre en compte la globalité de leur développement pour éviter que les porteurs de projets n’aillent systématiquement au plus facile, et parfois au plus désastreux, là où les terres et les bras se négocient au plus bas prix, et la où les questions d’environnement sont les moins surveillées. N’oublions effectivement jamais que cette politique et donc ce marché n’existent que pour des raisons environnementales, et que ces critères doivent rester les arbitres de ce marché.

J’ajouterais que cette mise en garde vaut tout autant pour les biocarburants de seconde et de troisième génération présentés aujourd’hui comme les remèdes miracles aux imperfections de premiers. Ces « nouveaux » biocarburants, même s’ils ne puiseront a priori pas directement dans les ressources alimentaires, consommeront néanmoins des surfaces et de l’eau et seront tout autant à surveiller. La solution n’est donc pas dans l’abandon de la première génération au profit des générations suivantes, mais dans un recadrage plus fin des règles du jeu.

Ne jetons donc pas le bébé avec l’eau du bain parce les débuts ont été mal encadrés. Rappelons quand même que les agrocarburants le produisent pas de marée noire, pas de radioactivité et nettement moins d’effet de serre que leurs homologues fossiles. Rappelons aussi que nombre de biocarburants sont obtenus par la valorisation de déchets agricoles ou forestiers, qui ne présentent pas les inconvénients des cultures dédiées. Et concernant les cultures, certaines comme le colza évitent l’utilisation de tourteau de soja et donc quelque part l’accroissement de la production de soja qui se fait parfois aux dépens de la forêt. Et puis je terminerais par l’indépendance énergétique et la liberté que peuvent apporter les biocarburants, ressource largement répartie sur la planète, à des populations aujourd’hui totalement dépendantes des énergies fossiles importées à prix d’or !

Un vaste ensemble d’arguments écologiques, sociaux et économiques plaide donc toujours en faveur du développement des bio- et agrocarburants. La réussite de ce projet mondial passe par une réglementation fine et adaptée (donc entre autres par une version améliorée de la politique européenne), passe par une action très forte de réduction de la demande afin de minimiser la pression sur les ressources et passe enfin par la mise en place de mécanismes de contrôle internationaux capables de valider les bénéfices, à l’image des certifications mises en place pour l’agriculture biologique, les produits forestiers ou pour le commerce équitable.

Frédéric Douard, Bioénergie International