Lien de bannissement

La « nouvelle » centrale électrique à granulés de Rodenhuize en Belgique : décryptage d’un bilan mitigé

GDF SUEZ et sa filiale Electrabel ont inauguré ce vendredi 23 septembre 2011 leur centrale électrique de Rodenhuize, une centrale à charbon rénovée pour consommer du granulé de bois. Lancé en 2009, le chantier à consommé 125 millions d’euros pour cette conversion rendue intéressante pour le système de rémunération belge de l’électricité verte, les certificats verts.

D’une puissance de 180 MWth, Rodenhuize produira chaque année un volume d’électricité verte équivalant à la consommation annuelle de 320 000 familles (320 000 MWh) et permettra de réduire de 1,2 million de tonnes les émissions annuelles de CO₂. Elle est détenue par Electrabel (73%) et Ackermans & van Haaren (27%). Un tiers de l’approvisionnement en granulés provient de Pacific BioEnergy au Canada avec qui Electrabel a conclu un contrat d’achat à long terme de 225 000 tonnes de biomasse par an, acheminée par bateau jusqu’au port de Gand.

«Cette réalisation est une première mondiale en termes de performance environnementale. Elle est unique en son genre par son ampleur, la technologie utilisée et ses prestations environnementales. Il s’agit d’une contribution majeure à la réalisation des objectifs fixés par l’Union Européenne. Ce projet cadre parfaitement avec notre stratégie de développement d’un parc de production diversifié et avec les engagements ambitieux que le Groupe a pris dans les énergies renouvelables», a indiqué Sophie Dutordoir, Directeur général d’Electrabel.

Cette annonce amène bien entendu à des réactions tant le projet parait démesuré, mais ATTENTION la démesure n’apparait pas forcément dans le spectre visible de la communication; essayons d’analyser les différents aspects.

Notons tout d’abord que la reconversion de chaufferies à charbon en chaufferies à biomasse, en tout ou partie (combustion pure ou co-combustion) est effectivement une bonne manière de réaliser d’importantes économies d’investissements pour un résultat souvent techniquement très satisfaisant. C’est donc une bonne chose si derrière on utilise bien ce qu’on a produit.

Notons ensuite deux éléments qui apparaitront parmi les plus étonnants :

  • 225 000 tonnes c’est 40% de la consommation française de granulés de bois (en France 95% des granulés sont consommés par les ménages) : cela peut paraitre beaucoup, mais cela ne représente que 2% de la consommation européenne, une consommation qui croit de 20% par an depuis 2005 et qui devrait se situer au delà des 50 millions de tonne dans moins de 10 ans…. donc cette quantité en elle-même n’est pas démesurée dès lors que la filière s’industrialise et on ne pouvait rien attendre de mieux pour une énergie renouvelable. En comparaison une papeterie moyenne à elle seul consomme 2 à 4 fois plus de bois !
  • Le Canada parait très loin, surtout quand il s’agit de la côte Ouest et on peut se poser légitimement la question du bilan carbone de ce transport. A cela répondons trois choses : quand on parle de combustibles fossiles, on oublie que ces combustibles consomment également du fioul pour leur transport; le transport maritime est le moins énergivore, et dans le cas précis, le transport consomme moins de 5% de l’énergie contenue dans le granulé; enfin sur l’origine même du produit, il vaut mieux qu’il termine dans une chaudière européenne en remplacement de charbon que dans une décharge canadienne à émettre du méthane dans l’atmosphère. Le granulé canadien est en effet un sous-produit des scieries et les canadiens sont très loin d’utiliser à eux-seuls tous leurs sous-produits.

Enfin, à côté de l’enthousiasme affiché d’Electrabel qui vient ici de réaliser une excellente opération en refinancement et en verdissant une vieille centrale polluante grâce aux subventions de l’État belge (Les certificats verts), notons quand même la question fondamentale et non évoquée du rendement ! Car nous sommes ici en présence d’une centrale électrique, c’est à dire sans récupération ni valorisation de la chaleur, et où seulement 30% de l’énergie produite par l’installation va être valorisé en énergie, tout le reste étant perdu …. pas super durable comme « première mondiale en termes de performance environnementale ».

Et la question légitime que les contribuables et consommateurs d’électricité belges peuvent maintenant légitimement se poser : avec les 125 millions d’euros d’investissement et avec les millions d’euros de certificats verts que Electrabel va engranger durant des années sans aucune exigence de rendement, n’y avait-il pas moyen de réaliser une opération plus efficace, c’est à dire plus durable ? Comme disait Philippe Meyer en terminant ses chroniques sur France Inter, « nous vivons une époque formidable, je vous souhaite le bonjour » !

Frédéric Douard, Bioénergie International