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Produire des biocombustibles au lieu de laisser brûler les forêts

Alors que c’est la fin de l’été dans l’hémisphère nord et que les feux de forêts défrayent la chronique des journaux télévisés européens, la FAO, l’organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture, dans une communication du 9 septembre 2011, a mis en garde le Partenariat de Collaboration sur les Forêts (CPF), organe constitué de 14 organisations internationales et secrétariats de conventions, afin de prévenir les feux de brousse dus aux activités humaines dans les forêts et zones adjacentes. Or, que ce soit dans les pays tropicaux, européens, asiatiques ou américains, des solutions valorisantes contre les feux de forêts existent par l’éducation et par la récolte et la valorisation des biomasses comme biocombustibles. Malgré cela, même à notre époque où tout le monde cherche à « faire du renouvelable », bien peu initiatives en ce sens voient le jour…..cela gênerait-il ?

Selon la FAO, au cours des dernières années, nombreux sont les pays qui ont connu une incidence croissante de la fréquence et de l’ampleur des feux de forêt à cause du manque de politiques de gestion et des impacts du changement climatique.

« Le feu se déclare souvent sur des terres agricoles ou des pâturages et se propage rapidement aux forêts avoisinantes », a indiqué Pieter van Lierop, expert de la FAO en gestion des feux de forêt. « Lorsque les gens brûlent des ordures et des résidus de récolte, défrichent les terres par brûlis à des fins agricoles ou de développement, ou encore mettent le feu aux pâturages pour permettre à la végétation de mieux repousser, il y a toujours un risque d’incendie de grands espaces et de forêts, favorisés par des conditions climatiques sèches et chaudes ».

Gestion des paysages et prévention des feux

La FAO indique qu’il faut à tout prix éviter de créer de vastes zones boisées homogènes dans des régions qui abritent une végétation sujette au feu, et conserver plutôt des mosaïques paysagères avec des lignes coupe-feu en associant différentes utilisations des terres…certes. Notons ici, que changement climatique faisant, des zones géographiques peu habituées aux incendies de forêts ont rejoint ces dernières années la longue cohorte des pays à risque; récemment la Russie, la Belgique et même la Suisse !! On peut donc considérer que plus guère de pays ne sont à l’abri du risque.

Briquette de résidus de cultures au Burkina, photo Tiphaine Réto (Lien vers l'auteur)

Pour traiter la biomasse source des feux, les solutions divergent. Des experts conseillent pour éviter les feux de forêts de grande ampleur dans les régions tropicales, de brûler les résidus agricoles au début de la saison sèche, avant que le paysage environnant ne devienne trop aride, et surtout pas par temps de grand vent. En Europe ces pratiques sont largement interdites pour des questions de risques et de pollution. En Amérique du Nord la politique des feux préventifs est une industrie florissante. Pourtant d’autres solutions moins destructrices, plus écologiques et même sources de plus-values consistent à collecter ces biomasses, ce qui est facile pour les résidus de récoltes, et à la transformer en biocombustibles, comme des briquettes par exemple, excellents substituts du bois de feu, du propane ou d’autres combustibles fossiles onéreux. En matière forestière, les bois qui « mettent le feu » sont des bois sans valeur comme matériau, et leur collecte ne concurrencerait aucunement les activités forestières.

Les experts de la FAO indiquent par ailleurs que les activités aux alentours des sols tourbeux demandent à être contrôlées. Par exemple, les méga-feux en Fédération de Russie l’an dernier ont ravagé plus de 14 millions d’hectares, tué plus de 50 personnes et sont devenus pratiquement incontrôlables essentiellement parce que les tourbières voisines avaient été drainées pour l’irrigation des terres cultivées alentour. Le feu s’est ainsi propagé aux forêts voisines, qui sont devenues elles aussi plus arides. L’expérience a montré que les incendies sur des sols tourbeux asséchés sont quasiment impossibles à éteindre.

Davantage de fonds pour la lutte contre les incendies ?

Le CPF a souligné qu’il était possible de réduire la fréquence et l’intensité des feux de forêt en intégrant la gestion des feux dans le cadre de stratégies plus vastes de gestion des paysages et par des approches mieux intégrées de gestion des feux, qui comprennent non seulement les opérations d’extinction, mais aussi la prévention, le brûlage dirigé, l’alerte rapide et la planification préalable. Tous ces aspects requièrent des investissements supplémentaires.

On est sur ce point en droit de se poser la question : faut-il plus d’argent pour éteindre les feux, sans plus de bénéfice, où ne serait-il pas plus intelligent de consacrer une bonne partie de ces sommes à valoriser les biomasses incendiaires ? Car le brûlage préventif, outre le fait qu’il contribue à gaspiller de la biomasse et du budget, à consumer de l’humus sur les sols, à réduire la biodiversité, contribue aussi massivement au changement climatique par la libération massive de composés organiques imbrûlés !

M. Van Lierop souligne à ce sujet  » Il faut s’employer à surveiller le gaz carbonique relâché par les feux de brousse qui sont un agent potentiel du changement climatique. Les communautés locales devraient être formées à la prévention de feux de végétation tout au long de l’année, et pas seulement durant la saison des incendies. Comme la plupart des feux sont déclenchés par l’homme, les pays devraient investir davantage dans des stratégies de lutte intégrée, en particulier dans le domaine souvent négligé de la prévention ».

La FAO ajoute que les pays devraient également investir dans la recherche sur les facteurs sociaux et économiques à l’origine des incendies afin d’être en mesure d’améliorer leur approche à l’égard des causes profondes des feux. Les recherches en cours au CIFOR montrent que les idées reçues sur la façon dont les feux se déclarent ne sont pas toujours exactes, et en général, les responsables n’ont qu’une vision partielle du problème.

Le Directeur exécutif de l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT), Emmanuel Ze Meka, a fait remarquer que « nous disposons des connaissances et des politiques pour réduire les dégâts dus au feu dans les forêts tropicales – le principal chaînon manquant est le financement de la formation, de l’équipement et des technologies de suivi permettant de mettre en œuvre ces politiques de manière efficace ».

Récolteuse de Rajal en Extrémadure, un arbuste qui brûle en été, photo Jeremy Hugues dit Ciles

Que ce soit sous les tropiques, en Amérique du Nord, en Asie, en Australie ou en Europe, très rares sont les stratégies qui abordent la question des feux de forêt sous les angles sociologiques et énergétiques. Dans l’immense majorité des cas, quand le problème est traité, des sommes considérables sont consacrées à la lutte contre les feux déclarés sans qu’aucune initiative ou presque ne soit parallèlement mise en œuvre pour prévenir la récidive des incendiages ou l’exportation et la valorisation des biomasses en question. Des économies budgétaires énormes sont à trouver dans cette prévention et dans la valorisation énergétique, pour le plus grand bénéfice des biotopes, des espèces naturelles, du climat et des habitants de ces régions. En attendant, chaque jours des milliers de tonnes de CO2 rejoignent les cieux aggraver l’effet de serre, sans substituer aucune énergie fossile au passage (comme on le fait dans des chaudières) et en engloutissant des crédits qui seraient si utiles au développement de la biomasse-énergie !

Frédéric Douard, Bioénergie International