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Brésil, une politique pro éthanol à l’encontre de la logique économique

Un article Green & Vert du 10 août 2011

Station service pour véhicules Flex-fuel à Rio de Janeiro, photo PSA

En annonçant des mesures de soutien à la production et au stock d’éthanol, le gouvernement brésilien veut lutter contre la hausse des prix des carburants. Mais, à défaut d’avoir un impact sur l’inflation, la décision de ne plus réduire la proportion d’alcool dans l’essence (comme cela était prévu) devrait au moins favoriser la qualité de l’air…

La réduction de la proportion d’éthanol dans l’essence imaginée par les autorités brésiliennes aurait un faible effet sur son prix. En effet, l’éthanol, toujours soumis à l’inflation, fera inexorablement augmenter le prix de l’essence à la pompe. Bref, cette mesure aurait beaucoup plus d’impact négatif sur la qualité de l’air que positif sur l’inflation.

Les mesures annoncées montrent que le Ministère de l’Énergie n’a pas compris ce qui se passe sur le marché de l’éthanol. Le problème ne vient pas de la production d’éthanol mais de l’offre en baisse de sa matière première, la canne à sucre. Les récoltes mondiales ont en effet diminué à cause de problèmes climatiques (fortes neiges et inondations aux USA, typhons dans les Caraïbes, inondations au Brésil).

Intempéries

La récolte 2011 est restée égale à celle de 2010, qui avait déjà été affectée par des perturbations climatiques. De plus, la productivité est en baisse à cause des restrictions sur les investissements observées après la crise financière, et également à cause du non renouvellement des plants de canne à sucre. La récolte est effectivement bien plus productive sur les premières coupes de canne.

De plus le marché du sucre et du bioéthanol étant très cyclique, il est peu affecté par des mesures gouvernementales visant à modifier les cours. Avec la hausse des prix des matières premières, le prix du sucre a dépassé celui de l’éthanol. Les cultivateurs ont ainsi calibré leur production dans le but de faire plus de sucre.

Demande d’éthanol en hausse

Cette année, la demande d’éthanol a fortement augmenté. Aux USA, pour la première fois, le maïs a plus servi à la production d’éthanol qu’à l’alimentation. La demande chinoise est également en hausse. En Europe la consommation d’éthanol a augmenté à tel point que l’on discute sérieusement d’un assouplissement de son importation.

Les prix dépendront toujours de la loi de l’offre et de la demande. Les interventions arbitraires ne font que créer des distorsions. C’est ce qu’il se passe actuellement sur l’essence, dont les prix oscillent. Le blocage des prix de l’essence par Petrobras génère des déséquilibres fiscaux durables sur les comptes publiques et l’inflation. L’entreprise pétrolière brésilienne subit un énorme manque à gagner, car c’est bien la pression sur l’éthanol qui fait monter le prix à la pompe.

L’avenir : l’éthanol cellulosique

Augmenter les surfaces de culture ne servirait à rien, car lorsque la demande diminuera, les agriculteurs seront à leur tour mis sous pression. Le gouvernement pourrait en revanche mettre en place des programmes de renouvellement des plantations avec les producteurs de canne, avec pour objectif d’augmenter leur productivité.

Mais il serait encore plus efficace de soutenir le développement de l’éthanol de 2ème génération, le cellulosique (ou ceetol). Celui ci présente l’avantage de ne ne pas entrer en concurrence avec le marché de l’alimentation : l’offre provient essentiellement de résidus agricoles (et pas uniquement de la canne) et forestiers (bûches d’eucalyptus, principalement).

Méthodes vieillottes

Pour maintenir le leadership et la compétitivité du Brésil sur le marché des biocombustibles, il est nécessaire pour le pays sud-américain de maitriser la production d’éthanol cellulosique . Ce nouvel éthanol sera plus compétitif, tandis que les biocombustibles dérivés de cultures alimentaires devront certainement faire face à des barrières régulatrices dans le futur.

Le Brésil continue donc à improviser en matière de politique environnementale et énergétique, et il devrait payer le prix de cette inexactitude. Car, pendant ce temps, les autres pays évoluent et mettent en place des stratégies à long terme au lieu de réagir aux oscillations conjoncturelles en appliquant les vieilles méthodes.

ecopolitica.com.br

Source : Green & Vert le 10 août 2011