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Vers une gouvernance efficace et équitable des financements climat

Le cinquième atelier annuel du Réseau Climat & Développement s’est déroulé du 27 juin au 1er juillet 2011 à Mbodiène au Sénégal. Ont participé à l’atelier une quarantaine de membres du Réseau en provenance de l’Algérie, de l’Allemagne, du Benin, du Burkina, du Cameroun, de la Cote d’Ivoire de la Guinée Conackry, de la France, de la Suisse, du Mali, du Maroc, du Niger, du Tchad, du Togo, du Sénégal, de la RDC et de l’Ile Maurice. Cette année, le Réseau a choisi d’axer sa réflexion 2011 autour du Fonds Vert créé à Cancun pour héberger les futurs financements climat promis à Copenhague. Fonds créé pour innover, pour combler les manques d’un système existant, fragmenté, inadapté, inefficace. L’atelier a permis d’identifier les principes de gouvernance qui devraient sous-tendre l’action du Fonds Vert créé à Cancun.

Cette année, le Réseau a choisi d’axer sa réflexion 2011 autour du Fonds Vert créé à Cancun pour héberger les futurs financements climat promis à Copenhague. Fonds créé pour innover, pour combler les manques d’un système existant, fragmenté, inadapté, inefficace. L’atelier a permis d’identifier les principes de gouvernance qui devraient sous-tendre l’action du Fonds Vert créé à Cancun. Parce qu’il ne s’agit pas de réinventer la roue mais de s’appuyer sur l’existant, le RC&D s’est appuyé en premier lieu sur l’expérience de ses membres : nous avons ainsi partagé une expérience à l’île Maurice d’un petit financement du FEM, expérience au Bénin d’un financement indirect de la Banque Mondiale, expérience au Togo des financements FAO et PNUD, et une expérience aussi des financements « biodiversité ». L’atelier a également permis de comparer les Fonds existants et de débattre des bonnes pratiques du Fonds pour l’Adaptation, et du Fonds Mondial. Tous ces échanges ont permis d’élaborer collectivement des recommandations à l’intention du comité transitoire du Fonds Vert et des décideurs politiques.

Vers une gouvernance efficace et équitable des financements climat

Contexte. Création et opérationnalisation du Fonds Vert.

Le paquet de décisions prises à Cancun fin 2010 a permis de créer le Fonds Vert, demande de longue date du G77+Chine. Ce Fonds a – en principe – vocation à gérer une partie des financements climat promis pour l’après 2012 : jusqu’à 100 milliards USD/an en 2020. La décision de Cancun mandate un Comité de Transition, composé de 40 pays (25 au sud, et 15 au nord), pour esquisser l’architecture du Fonds Vert et présenter ses conclusions à Durban. Si le G77 a longtemps plaidé pour la création de ce Fonds multilatéral, c’est parce que l’existant est souvent insuffisant, fragmenté, lent, inefficace et inéquitable. Le Fonds Vert doit innover et surtout, ne pas répliquer les mêmes erreurs. En même temps, le Comité dispose de peu de temps (6 mois d’ici Durban). Il est aussi sous pression des banques multilatérales et bilatérales de développement qui militent pour imposer leur modèle traditionnel. C’est pour cela que la société civile doit s’impliquer dans la réflexion autour du Fonds Vert et nourrir les travaux du Comité. Il a – plus que jamais – un rôle à jouer en tant que contre-pouvoir et en tant qu’expert.

Premières Conclusions…

1. Un Fonds Vert qui permet de rationaliser et d’harmoniser la multitude de fonds existants derrière les mêmes règles équitables de gouvernance
On compte des dizaines, voire des centaines de fonds, qui financent des projets en lien avec le changement climatique. Le paysage est fragmenté et caractérisé par la diversité des bailleurs, des agences intermédiaires, des définitions, des instruments financiers, des principes de gouvernance et critères d’allocation. En outre, la présence d’intermédiaires avec leurs règles de gouvernance et leurs orientations stratégiques tend à dénaturer les projets et à s’éloigner des besoins des pays. Les PMA, dotées de capacités limitées, se retrouvent incapables de gérer la disparité avec efficacité et font face à des coûts de transaction très élevés à cause du nombre d’agences intermédiaires impliquées.

  • Il est essentiel de mieux organiser et cadrer cet ensemble disparate de fonds « climat » pour assurer une cohérence dans les orientations stratégiques et financières, la distribution géographique et thématique, et la priorisation des besoins.
  • en développant le dialogue multi-bailleurs, et les plateformes de coordination des financements internationaux à l’échelle régionale et nationale.

2. Un Fonds Vert qui permet de combler le « gap adaptation » actuel, en allouant 50% de ses financements à des projets d’adaptation
On constate aujourd’hui que les flux financiers pour l’adaptation représentent 3 à 4 milliards par an, toutes sources confondues. Les flux pour l’atténuation représentent 8 à 10 milliards de financements publics et 57 milliards d’investissements privés. Il existe bien un « adaptation gap » alors que l’adaptation représente un enjeu prioritaire pour les communautés locales des PMA.

  • Si le Fonds a pour objectif de combler les manques de l’existant, alors il devrait se fixer comme mission prioritaire de rééquilibrer l’allocation des financements en faveurs de l’adaptation.
  • Allouer plus précisément 50% des ressources à l’adaptation et sous la forme de dons.

3. Un Fonds Vert qui privilégie l’accès direct aux financements par les entités nationales.
L’histoire de l’aide publique au développement conclut à l’inefficacité et l’iniquité d’une implication trop forte des bailleurs dans les orientations stratégiques, la prise de décision et la mise en œuvre des projets et programmes dans les pays récipiendaires. C’est pour cela que l’accès plus direct aux financements représente une des demandes clé des pays en développement et une rupture symbolique dans l’évolution des rapports nord/sud.

  • Développer plusieurs formes d’accès direct, dont le modèle utilisés par le Fonds pour l’Adaptation : l’accréditation d’Entités Nationales de Mise en Œuvre.
  • S’inspirer des mécanismes nationaux de coordination créés par le Fonds Mondial pour le Sida, la Tuberculose et la malaria qui impliquent fortement la société civile,
  • Souligner que l’accès direct n’est pas une fin en soi mais un moyen qu’il faut travailler et appuyer pour s’assurer qu’il délivre les fonds aux communautés les plus vulnérables, les projets les plus efficaces et avec les plus nombreux co-bénéfices.

4. Un Fonds Vert qui refuse de politiser l’allocation des financements et finance en priorité les pays les plus pauvres et les plus vulnérables au changement climatique.
Dans les fonds existants, la prise de décision concernant la sélection des projets est laissée aux politiques. Cette approche politise l’allocation des financements au détriment des besoins ou zones les plus prioritaires.

  • il est important de laisser la sélection des projets au secrétariat technique et aux comités d’experts chargés d’examiner les projets, en fonction des stratégies nationales des pays
  • S’assurer ainsi que le Fonds Vert n’est pas gouverné par la seule volonté des pays bailleurs et attribue les fonds aux projets les plus efficaces, selon les besoins et priorités identifiés par les pays récipiendaires et leur société civile.

5. Un Fonds Vert avec des procédures d’accès simplifiées et rapides pour les PMA.
Les PMA qui souffrent déjà des impacts du changement climatique ne bénéficient pas forcément des financements disponibles, par manque de capacité pour répondre aux appels d’offre, monter les projets répondant aux normes internationales, accéder aux financements, etc.

  • S’inspirer de ces procédures simplifiées existantes dans le FEM et le Fonds pour l’Adaptation pour améliorer l’accès des pays aux financements.

6. Un Fonds Vert qui limite le rôle de l’administrateur à un rôle de gestion fiduciaire.
La décision de Cancun limite le rôle de l’administrateur intérimaire – la Banque Mondiale – a un rôle de gestion purement fiduciaire. Mais la Banque Mondiale est déjà en campagne pour faire plus que simplement « signer les chèques » du Fonds Vert. Seulement, la Banque Mondiale cristallise justement toutes les incohérences et déséquilibres des schémas traditionnels de l’aide au développement. Donner un rôle prédominant à la Banque Mondiale ou une autre banque de développement dans le Fonds Vert reviendrait à perpétuer un système existant critiqué et critiquable.

  • Limiter le rôle des banques multilatérales de développement dans la gouvernance, l’élaboration des principes directeurs et le secrétariat technique du Fonds Vert.
  • Sélectionner l’administrateur du Fonds Vert via un système d’appel d’offre avec des termes de référence précis.

7. Un Fonds Vert qui intègre la question du genre et des peuples autochtones
Les femmes et les peuples représentent les communautés les plus affectées par le changement climatique et nécessitent un soutien spécifique pour réduire leur vulnérabilité aux impacts.

  • garantir une représentation équilibrée dans les processus et fonctions de représentation du Fonds Vert.
  • Prioriser les projets intégrant les préoccupations des femmes et peuples autochtones
  • Etablir des sauvegardes sociales et environnementales pour protéger les droits des femmes et des peuples indigènes

8. Un Fonds Vert qui implique la société civile à chaque niveau de la prise de décision.
La société civile joue déjà un rôle prégnant dans la lutte contre le changement climatique, tant dans la production intellectuelle et paradigmatique que dans la mise en œuvre de projets – souvent innovants et pilotes- d’adaptation et d’atténuation sur le terrain. Elle est aussi forte d’une longue expérience de l’aide publique au développement, de ses écueils et de ses bonnes pratiques. Il est impératif d’associer la société civile pour garantir une meilleure appropriation et donc une plus grande efficacité des projets, mais aussi améliorer la transparence et démocratiser les outils et les choix de la lutte contre le changement climatique. Des initiatives internationales s’appuient de plus en plus sur la société civile, le Fonds Mondial pour le Sida, la Tuberculose et la Malaria par exemple.

  • Dans la gouvernance du Fonds Vert : donner plusieurs droits de vote à la société civile (comme au Fonds Mondial Sida).
  • Dans l’accès direct : donner un rôle prédominant aux ONG dans l’administration des entités nationales (sur le même modèle que les mécanismes de coordination nationales du Fonds Mondial).
  • dans l’administration du fonds, dans la sélection et le montage des projets, dans l’évaluation et la communication : impliquer la société civile dans la mise en œuvre des projets et via des processus participatifs et des consultations.

9. Un Fonds Vert abondé avec des ressources nouvelles, additionnelles et innovantes de financements.
Les Etats sont encore loin de tendre vers l’objectif de reverser 0,7% de leur Revenu National Brut pour l’Aide Publique au Développement. Pourquoi en serait-il autrement pour leurs engagements financiers climat ? La phase-pilote des financements « précoces » engagés à Copenhague a encore une fois montré les limites des contributions purement budgétaires. Il est impératif d’asseoir la finance climat sur des mécanismes permettant de générer des financements véritablement nouveaux, additionnels et pérennes.

  • mettre en place une taxe sur les transactions financières qui financerait la lutte contre le changement climatique et l’accès au développement.
  • réformer les politiques de subvention aux énergies fossiles pour financer la transition vers les énergies sobres en carbone et l’efficacité énergétique.
  • appliquer une taxe aux émissions du fret maritime international, tout en compensant les pays en développement pour l’impact de la taxe sur leurs économies.
  • Abonder le Fonds Vert grâce aux recettes générées par des mécanismes comme la taxe sur les billets d’avion ou la mise aux enchères d’une partie des quotas européens.

>> Téléchargez ici les recommandations du Réseau Climat

Origine : Réseau Action Climat, le 4 août 2011